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Un air de jeunesse à La Chaise-Dieu - Trois questions à Julien Caron, directeur

Plantée en terre d’Auvergne, la majestueuse abbatiale de La Chaise-Dieu est une grande dame dont Cziffra découvrit la vocation musicale. Depuis, le plus incroyable éventail de répertoire s’y est déployé, des baroques à la Messe du Sacre de Napoléon, des romantiques aux contemporains, avec toujours la prééminence d’un esprit d’émerveillement, gardé intact malgré les différentes personnalités qui ont géré ce foyer musical. L’an dernier Jean-Michel Mathé, appelé à Besançon, cédait la place à Julien Caron, tout nouveau venu dans l’arène des faiseurs de festivals. Dans le fameux jeu des chaises musicales, il en est à sa première, avec ses 26 ans débordants d’enthousiasme. Il dit sa passion.

Quel hasard, quel vouloir, vous ont conduit si jeune à ce poste ?

Julien CARON : Un lien fort avec ce lieu, d’abord. Même si j’ai grandi à Paris, où j’ai fait des études de musicologie, de littérature et de sciences politiques, je suis auvergnat de souche, car j’y suis né, et je le reste de cœur, grâce à des retours fréquents et familiaux dans cette terre que j’aime passionnément. Et puis, une histoire d’amour avec l’abbatiale: j’y ai eu un coup de foudre en 2006, lors de l’exécution d’un oratorio de Schmelzer, avec en projection une toile de Rubens. Cette osmose de formes m’a émerveillé et m’a fait prendre conscience des immenses possibilités du lieu, qui génère une certaine qualité d’écoute. J’ai alors travaillé au Festival, avant de poser ma candidature lorsque Jean-Michel Mathé est parti. J’avais fait quelques stages à l’Opéra de Paris pour comprendre les facettes d’une grande institution musicale, et de festivalier puis de bénévole, je suis devenu directeur, Je n’avais donc pas de travail d’adaptation à faire, ni à plaquer une vision personnelle. Le lieu s’imposait à moi.

Vous héritez d’une saison partiellement construite par votre prédécesseur. Quelle est votre marque personnelle cet été ?

J.C. : Je ne peux le dire exactement, sinon évoquer quelques-uns de mes choix précis, comme le récital de Zhu Xiao-Mei, l’une de mes très grandes admirations. Son humilité, son effrayante exigence, et sa qualité d’intimité avec Bach me bouleversent, d’autant qu’il est sans doute mon compositeur préféré. Sur le conseil de Gilles Cantagrel, qui au Conservatoire nous incitait à remettre les œuvres dans leur bain, je suis allé sur ses traces, en Allemagne, pour tenter de le comprendre. Les 37 concerts suivent cette année en partie une thématique fluviale, qui va du Tage au Rhin et à l’Elbe, du baroque portugais à Schumann et Wagner. Autre élément majeur dans l’image du festival, que j’entend approfondir, le lien avec des interprètes qui nous sont fidèles, comme Le Cercle de l’Harmonie, Nemanja Radulovic, Bertrand Chamayou, Raphaël Pichon et son Ensemble Pygmalion, et je salue la venue de Michaël Levinas pour un récital où trois Etudes de sa composition s’intercaleront entre trois Sonates de Beethoven. Sans parler de l’incontournable Requiem de Verdi, pour cette année anniversaire, donné deux fois en l’abbatiale sous la direction de Jacques Mercier avec l’Orchestre National de Lorraine. Et des hommages à des compositeurs injustement méconnus tels que Davide Perez et Zelenka.

Quels sont vos projets, vos souhaits pour l’avenir ?

J.C. Pour ma part, outre Bach, je suis passionné de piano romantique, et de musique française de la fin du XIXe siècle et du XXe. J’adore par exemple le si beau Requiem de Duruflé. Mais ce que je souhaite surtout c’est choisir des thématiques, créer des moments nouveaux, qui permettront au public d’affiner ses connaissances dans tel ou tel répertoire : ainsi autour de Rameau ou de Carl Philipp Emanuel Bach. Nous avons une clientèle essentiellement régionale de fidèles, qui assistent à trois concerts en moyenne. Mais ce sont des festivaliers plutôt âgés : je m’emploierai donc à rajeunir ce public, et à doubler la part de moins de cinquante ans. Je vais notamment mettre l’accent sur les concerts pédagogiques précédant les concerts, afin de permettre une écoute familiale. Pour ma part, mes parents m’ont beaucoup emmené au concert lorsque j’étais enfant, et cela a porté ses fruits ! Un autre de mes rêves est de faire entrer la danse dans l’abbatiale, avec par exemple Le Jeune Homme et la Mort, de Roland Petit. J’ai quelques liens avec des danseurs de l’Opéra, qui seraient tentés. Et puis, se profile à l’horizon 2016 le cinquantenaire du festival, qui coïncidera avec l’achèvement de grands travaux entrepris pour la réfection du cloître et des tapisseries, lesquelles seront présentées dans le périmètre de l’abbaye, dans un espace spécifique. Ce sera un superbe événement, pour lequel je souhaite bâtir une session qui sera comme un album du festival depuis sa création.

Propos recueillis par Jacqueline Thuilleux, le 1er août 2013

47ème Festival de La Chaise-Dieu (La Chaise-Dieu, Le Puy-en-Velay, Brioude, Chamalières, Ambert et Saint-Paulien), du 21 août au 1er septembre 2013 / www.chaise.dieu.com

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Photo : DR
 

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