Une Ouverture d’Egmont toute en couleurs sombres, sans respiration mais lourde de menaces ouvrait un concert dont la seconde partie laissait beaucoup espérer. Suivait le difficile Second Concerto de Violoncelle de Chostakovitch où Truls Mork, immergé dans l’œuvre trouvait toutes les clefs d’une musique aride, avec la simplicité naturelle de son geste débarrassant l’œuvre des foucades si impérieuses que lui fit subir longtemps son premier héros, Mstislav Rostropovitch, touchant comme toujours à l’essentiel.

Eschenbach resta en retrait, ne trouvant pas toute l’amertume de l’œuvre, se contentant d’une mise en place impeccable laissant le soliste imposer sa vision. La Symphonie Lyrique de Zemlinsky, si peu souvent donnée à Paris, est un chef d’œuvre dont l’importance dans l’histoire de la musique augmente d’année en année. Eschenbach a transporté ses musiciens parisiens, leur inspirant une urgence dramatique qui aurait suffit à nous faire redécouvrir cette partition à facettes. Sa lecture intense tirait de l’orchestre toute la profusion de timbres que Zemlinsky y jeta à pleins baquets, les polyphonies les plus étouffantes atteignaient une clarté jamais analytiques, alors que Roland Dugareil, le troisième soliste de cette œuvre, ouvrait les espaces secrets des musiques de chambre qui ponctuent la symphonie (second Lied de la soprano) de son archet moiré.

Une Mélanie Diener annoncée souffrante mais inspirée par la partition (dont elle n’a pas toujours les aigus), un Mathias Goerne admirable d’autorité sans pour autant négliger les nombreux sous-entendus de poèmes de Tagore, chantant sa partie à pleine voix, sans les maniérismes qu’on lui trouve parfois au concert, coulaient leur chants dans le somptueux tapis sonore que leur déroulait Eschenbach. Une des plus belles réussites du chef à ce jour, qui mériterait les honneurs du disque, d’autant que France Musique a enregistré la soirée.

Jean-Charles Hoffelé

Concert de l’Orchestre de Paris, Théâtre Mogador, le 11 février 2004.

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Photo : DR