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L’Italienne à Alger à l’Opéra national du Rhin : un champagne millésime
Il est heureux, dans la grisaille actuelle des scénographies pseudo-intellectuelles d’opéras, de voir un metteur en scène qui connaît son Rossini sur le bout des doigts. Christof Loy illustre de façon agréable et juste l’opéra bouffe L’Italienne à Alger et signe ici une production qui met en valeur le livret concocté par Angelo Anelli, souligné par la musique du cygne de Pesaro.
Rien de vulgaire dans ce qu’il donne à voir, l’action est mené de main de maître avec une rapidité digne d’une pièce de Feydeau, un seul lieu : la salle intérieur du palais de Mustafa qui se transforme au gré de l’action en Hammam, salon particulier ou salle d’apparat. Rien de vulgaire dans cette conception qui joue uniquement sur le comique de situation et entraîne la salle dans d’immenses fous rires.
Ce qui renforce cet état de fait, c’est l’âge des interprètes (la trentaine environ) qui donne un éclairage nouveau aux relations de nos héros. Isabella de ce fait n’est pas insensible au charme de ce bellâtre de Mustafa, et Taddéo se trouve également sur un pied d’égalité avec Lindoro.
Situé dans les années 50 l’histoire nous touche de près. La mezzo Valentina Katzarova n’est pas sans rappeler Audrey Hepburn dans Vacances romaines, elle campe une Isabella mutine, rouée et parfois boudeuse pour mener à bien son plan de séduction, et nous conduit en toute logique à la solution finale. La voix est superbe, ronde et chaleureuse, elle vocalise avec un enthousiasme communicatif, on comprend en la voyant l’impact produit sur tous les hommes quelle croise sur son passage.
Denis Sedov n’est pas en reste dans le rôle de Mustafa au profil de latin lover. Il ne demande qu’à se laisser séduire et tomber dans les filets de cette belle étrangère. La voix est ample et généreuse, le souffle long et les vocalises sont savamment négociées, il est le digne successeur de Samuel Ramey.
Le ténor Juan José Lopera ressuscite l’âge d’or des Blake et autres Matteuzzi. Le physique est des plus agréables, le jeu d’acteur est étonnant de vérité (toutes les spectatrices ont pour lui les yeux d’Isabella), la voix est bien timbrée, la mezza di voce est envoûtante, et les vocalises sont négociées avec un art du chant que l’on croyait à jamais disparu.
Taddeo est joué et chanté avec beaucoup de panache par Domenico Balzani. L’acteur est sobre et adroit, le chanteur élégant dans ce rôle ou trop de chanteur charge à gros trait un comique pourtant amplement souligné par le texte et la musique. Très belle Elvira de Oriana Kurteshi, bien accompagnée par la Zulma de Violetta Poleksic, toutes deux complices à souhait. On décernera une mention spéciale Nicolas Testé qui, dans le rôle d’Haly, forme avec Mustafa un duo de basse dont la drôlerie est des plus efficaces. N’est-il pas le petit frère du Bey ?
Les chœurs sont admirablement préparés par Michel Capperon et l’Orchestre Symphonique de Mulhouse est subtilement conduit par un Cyril Diedrich en état de grâce. Un spectacle divertissant, suprêmement chanté, ce qui est rare en ces temps de disettes, il fallait le signaler.
Bernard Niedda
Portefolio de mise en scène (3 photos)
Strasbourg Opéra national du Rhin le 23 avril 2004. Strasbourg les 27 et 30 avril, 3, 5 et 7 mai 2004 à 20h et le 14 mai à 20h. Mulhouse, Théâtre de la Sinne, le 16 mai à 15h. Colmar Théâtre Municipal, le 21 mai à 20h, le 23 mai à 15h.
Photo : DR
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