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Emmanuel Rossfelder, et la guitare devient orchestre…
En février dernier, les Victoires de la Musique ont distingué le guitariste Emmanuel Rossfelder dans la catégorie « Révélation soliste instrumental ». Révélation : le terme n’a rien d’excessif non plus pour décrire l’effet proprement magique que le jeu de ce jeune interprète de trente ans provoque sur des auditeurs qui n’ont jamais encore été en contact avec sa personnalité rayonnante. Pas de doute, avec Rossfelder la guitare à trouvé un nouvel ambassadeur !
Instrument à cordes « pincées » ? C’est bien la dernière chose à laquelle on songe en écoutant un virtuose qui subjugue par la sensation de plénitude, la qualité de chant et la projection du son aussi qui distinguent des interprétations foisonnantes de timbres. Intitulé « La Guitare lyrique », son dernier CD (1) en offre une éblouissante illustration.
Comment ne pas songer à Alexandre Lagoya dont Rossfelder fut l’élève au Conservatoire de Paris de 1988 à 1991 ? Bien avant la rencontre avec ce maître, le guitariste (à l’époque élève au Conservatoire d’Aix-en-Provence) était aussi séduit qu’intrigué par « une attaque de la corde très particulière ». Le travail auprès de Lagoya lui permit de découvert le secret : « tout vient d’une nouvelle position de la main droite (doigts perpendiculaires et ongles plus longs que de coutume) qui permet une sonorité plus claire, plus variée et plus puissante ».
Tout vient, a-t-on envie d’ajouter également, de l’attitude d’un maître depuis toujours désireux de dégager son instrument de préoccupations guitaro-guitaristiques - d’une forme de ghetto il bien faut l’avouer. Il ne pouvait mieux tomber en s’adressant à Emmanuel Rossfelder qui ne fait pas mystère de son peu de goût pour le milieu souvent « oppressant, étouffant » de la guitare. « Ne t’occupe jamais des guitaristes », lui répétait d’ailleurs Lagoya, « suis ton chemin ! »
Le conseil a été entendu… Rossfelder aspire avant tout à se faire plaisir et à transmettre ce bonheur en dépassant l’instrument pour ne plus songer qu’à la musique – « la guitare est un instrument tellement riche, tellement polyvalent », s’enthousiasme-t-il ! Si un public très large le découvre aujourd’hui, des mélomanes attentifs à l’émergence de nouveaux talents l’avaient remarqué grâce à un exceptionnel premier CD intitulé « Danses latines »(2). Avec son nouveau récital « La Guitare lyrique », l’artiste offre à nouveau un irrésistible moment de jubilation sonore. On a parfois dans l’oreille des sons de guitare pour le moins anémiés : quel choc que la découverte de cet enregistrement ! L’interprète ne cache d’ailleurs pas y avoir mis sa touche personnelle en s’autorisant - avec quel tact et quelle imagination - quelques ajouts, un thème ici, une variation là, dans les ouvrages de Tarrega ou de Giuliani.
Le programme qu’Emmanuel Rossfelder interprète prochainement à Saint-Maurice aussi bien qu’au Festival d’Auvers-sur-Oise demeure très proche de celui de son dernier CD. Avec les nombreux concerts de l’été on verra des pages de Weiss ou de Haendel prendre place dans ses récitals. La musique baroque occupe d’ailleurs beaucoup le guitariste en ce moment. Bach bien sûr, mais nulle précipitation avec cet auteur phare : Rossfelder attend de se sentir fin prêt. La grande Chaconne par celui qui a l’art de transformer l’instrument à six cordes en un véritable orchestre… Voilà qui augure d’un grand moment !
Alain Cochard
(1) « La Guitare lyrique » (Œuvres de Verdi, Schubert, Mozart, Sor, Barrios, Tarrega, Giuliani, Castelnuovo-Tedesco) – 1CD Loreley LY005
(2) « Danses latines » - 1 CD Loreley LY001
Festival de Strasbourg, le 17 juin 2004
Le 19 juin à 21h, église Saint André à Saint-Maurice (Val de Marne)
Les 23 et 24 juin à 21h, Bibliothèque du Château de Méry-sur-Oise au Festival d’Auvers-sur-Oise
Les Dominicains de Guebwiller, le 22 juillet 2004
Septembre musical de l’Orne, le 29 août 2004
Photo : DR
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