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Have fun (si vous pouvez) ; La Flûte enchantée vue dans les méninges de Bob Wilson
Merci Kenzo, les costumes créés pour la reprise de ce spectacle en 1999 ont apporté la touche finale à l’univers de Wilson. A ce détail près le spectacle avoue ses treize ans, et se vide peu à peu de sa substance ; tout ce qui transportait sans efforts dans l’univers du metteur en scène éloigne aujourd’hui un peu plus le spectateur de cette Zauberflöte.
Ceci posé, si vous n’avez pas encore vu la Flûte selon Wilson, allez y car elle sera remplacée dès la saison prochaine par celle plutôt gonflante (au sens premier du terme) de la Furia del Baus. Allez y et munissez vous de vos lunettes de soleil, car les néons de Sarastro dévastent toujours autant les rétines. Les chanteurs n’entrent plus vraiment dans les pas du metteur en scène, sauf la Pamina de Julia Kleiter, timbre fruité, bel « Ach ich fuhl’s », mais c’est à elle que Wilson demande le moins. Detlef Roth pourtant rompu à cette production, risquait à tous moments la crampe et son Papageno peu en voix laissait dubitatif (la rumeur assure que Stéphane Degout, dans l’autre distribution, y est prodigieux, on veut bien la croire).
Le Tamino de Charles Castronovo barytonnait mais avait du style, mystérieusement Rheinard Hagen ne trouvait plus les graves abyssaux de son Sarastro du temps d’Aix (avec Christie, le disque l’a heureusement préservé à son meilleur), et l’Orateur de Reinhard Dorn l’aurait avantageusement remplacé. Ingrid Kaiserfeld, Reine peu assurée au sommet de sa robe donjon ratait son premier air mais prenait sa revanche avec le second, coloratures dardées et implacables qui pourtant n’inspiraient aucune terreur. François Piolino fit parfaitement son numéro, mais craqua tous ses aigus. Fatigue, fatigue, il faudrait aussi faire quelques injections d’EPO à Jiri Kout dont la direction lambine, n’aidant pas le spectacle déjà terriblement statique.
La palme revient au trois Dames, à la Papagena citronnée de Gaëlle Le Roi, et surtout aux enfants, les seuls à oser sourire et à retrouver les chemins naturels de l’œuvre. Paradoxe, c’est dans la bande son exploitée aux II durant les épreuves que le projet de Wilson résiste encore le mieux à l’usure. Et le ballet des animaux enchantés a conservé toute sa poésie à la Cocteau. C’est mince pour qui a déjà vu cette production, mais pour tous les autres l’émerveillement fonctionnera peut-être, qui sait ?
Jean-Charles Hoffelé
La Flûte enchantée de Mozart, Opéra Bastille, le 24 juin 2004
Photo : Eric Mahoudeau
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