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Paris - Compte-rendu - l’Orchestre National de France sous la baguette d’Ingo Metzmacher, 50 minutes en féerie
Programme typique de Ingo Metzmacher, tout entier consacré au siècle défunt. Le Miserae de Hartmann, avec sa citation du motif obstiné qui hante De la maison des morts de Janacek, surprend toujours par son alternance de musiques funèbres et de fanfares grotesques. Si l’on songe que ce fut là le premier essai pour grand orchestre du compositeur, la perfection de sa facture laisse pantois. Dans toutes ses symphonies qui suivront il ne fera que réemployer le langage mis au point dans cette partition, requiem masqué pour les premières victimes des camps nazis, les intellectuels, les communistes, les homosexuels. La battue exemplaire de Metzmacher permit à tous les pupitres de donner une lecture impeccable, totalement en place, ce qui pour une pièce aussi complexe qui n’était pas encore au répertoire de l’orchestre constitue une gageure.
Une partie du public avait envahi le Théâtre des Champs-Elysées pour aduler Hélène Grimaud. Le Troisième Concerto de Bartok est-il dans ses cordes ? Son pianisme électrique (mais sans volts) fut d’emblée confronté à une difficulté : sonner pianissimo. Toute l’entrée fut récitée, droite, mezzo-forte, alors qu’elle doit venir de très loin. Une main gauche un peu incertaine brouilla les figures doublées, ne parvenant pas à recréer les effets de cymbalum voulus par le compositeur. Un andante entre extase et mécanique (les échanges tapés avec la petite harmonie, alors que cela doit littéralement « piaffer »), toujours privé de pianissimo, et même simplement de timbres, reproduisait la seule couleur que la pianiste semble vraiment posséder : le jaune citron. Un final déboulé, virtuose en surface, repris et mieux réussi en bis, laissait toujours ce sentiment d’une instrumentiste plaquant des accords et des traits dans une dynamique unique, saturant le clavier et ne parvenant au pianissimo, si nécessaire, qu’en fin de phrases. L’attaque chez Grimaud s’est durcie, ce qui n’est pas un bon signe, et si la technique s’est parfaite, elle ne lui permet pas encore de jouer de son instrument avec la variété poétique, le toucher timbré, le spectre de couleurs et l’art de la pédalisation qui concourent au style des grands maîtres du clavier.
Metzmacher avait apparemment beaucoup fait répéter la version originale de L’oiseau de feu au National. Dés l’entrée, on était saisi par une transparence et une subtilité des timbres qui nous firent pénétrer dans l’univers des Contes Russes. Une narration qui rappelait le ballet, mais le narrant à la manière des songes, avec des fantômes au coin de chaque vision, des apparitions soudaines, la présence d’une nature sensuelle qui enveloppe tout dans des vents, des forets sombres, des étangs profonds. L’Oiseau était vu par les transparences d’un cristal, magie, sortilèges, divagations, toute une théorie de succubes disparue comme par enchantement lorsque le royaume de Katscheï s’évanouit.
Metzamcher tira du National des couleurs inédites, fruit d’une imagination qui n’appartient qu’à ses instrumentistes les jours de grande forme. La légèreté des archets, des plumes, la finesse des bois, une percussion d’or et d’argent, recréaient l’orchestre idéal de Stravinsky, celui qui marqua tant les compositeurs français, de Debussy à Ravel en passant par Pierné qui d’ailleurs en conduisit la première. Le 10 mars prochain, Metzmacher dirigera à la Cité de la Musique la Sinfonia de Berio. On regrette déjà de ne pas pouvoir assister à ce concert. Allez y pour nous !
Jean-Charles Hoffelé
Photo : Marco Borggreve
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