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Compte rendu : Pour Samuel Ramey. La basse américaine revisite un des rôles clefs du réperoire
Cette reprise du Boris Godounov manichéiste de Francesca Zambello, avec son acte polonais tout en noir, brillait avant tout par une étoile, celle de Samuel Ramey. Après avoir longtemps fréquenté Pimen, il aborde Boris avec une sobriété, une intensité dans l’expression, une pureté dans la ligne de chant qui rappellent rien moins que Mark Reizen. On craignait lors de l’adresse du couronnement que le bronze précieux d’un timbre de plus en plus profond ne se laisse envahir par un vibrato inquiétant, mais la voix chauffée, Ramey retrouvait la maîtrise de son instrument. L’acteur est prodigieux, refusant tout histrionisme et sa mort debout, comme foudroyé, restera dans les annales.
Pourquoi avoir été chercher M. Vedernikov, inconnu au bataillon de ce coté ci de l’Oural ? La soirée durant, il dirigea avec un éteignoir au point qu’il devenait impossible de ne pas s’ennuyer. S’ennuyer dans Boris, un comble. Le Pimen monocorde de Vaneev décevait, il faudra guetter les soirées où Gleb Nikolsky prendra le rôle (les 18, 21 et 24 mai), mais alors Vaneev chantera Boris à la place de Ramey, vous devrez donc choisir entre Boris et Pimen.
Pour Rangoni, Ognovenko, formidable de présence, ne trouvait jamais le chant legato, insinuant, qui caractérise le Jésuite, et la Marina splendide vocalement d’Elena Manistina était bien mal appareillée à un faux Dimitri falot, Roman Muravitzky, au timbre tranchant mais à l’émission bizarrement en arrière. Le Varlaam de Mikhail Petrenko, emplissait la Bastille de son timbre tonitruant, une vraie basse qu’il faudra suivre décidément, et son duo avec son compère Missaïl, confié à un ténor buffo assez impayable, Alexander Podbolotov , animait à lui seul une scène de l’auberge qui refusait d’avancer, empêtrée dans la fosse d’orchestre. Dommage, car l’Aubergiste de Bocharova avait bien du charme, malgré l’idée saugrenue qu’a Zambello de lui faire plumer le canard bleu dont parle sa chanson.
Déception devant le Chouiski convenu et à la voix bien banale de Nikolai Gassiev, surtout si l’on se souvient de l’incarnation percutante de Philip Langridge à Toulouse. Quelques silhouettes hantaient cette production médiocre : le Mitioukh de Yuri Kissin, le Fiodor de Gaële le Roi (que Chouiski assassine !), deux phrases de la Xenia d’Aleksandra Zamojska qui surprennent par la beauté du timbre, la nourrice, d’Irina Bogatcheva, contrastaient par leurs présences avec l’innocent geignard de Vsevolod Grivnov. Les chœurs de l’opéra de Paris, lâchés par le chef, étaient moins disciplinés et surtout moins expressifs que ceux du Capitole, mais se retrouvent enfin dans le tableau de Kromy, où la mise en scène débridée de Zambello sonnait décidément bien faux.
Jean-Charles Hoffelé
Boris Godounov, Opéra de Paris Bastille, le 5 mai, puis les 8, 10, 15, 18, 21 et 24 mai.
Photo : Opéra de Paris / DR.
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