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Metz - Compte-rendu : La Clemenza di Tito ou le triomphe des femmes
Après une Médée de Cherubini qui avait laissé perplexe une partie du public la saison dernière à l’Opéra Théâtre de Metz, Jean-Paul Scarpitta, présente sa vision de La Clemenza di Tito de Mozart. Un immense espace scénique plongé dans le noir, des toiles peintes sur des textures transparentes montent et descendent des cintres afin de délimiter les différents lieux du drame : ce dispositif permet de souligner les rapports des personnages et s'avère approprié à un ouvrage dont, il faut l'admettre, la lenteur de l’action peut dérouter le public.
Jean-Paul Scarpitta réussi admirablement à habiter les divines longueurs de la partition, aidé en cela par l’option de Jacques Mercier. Ce dernier n'a pas hésité en effet à tailler dans des récitatifs qui, rappelons-le, ne sont pas de Mozart mais de son élève Süssmayer. Ce choix permet de resserrer l’action et nous donne à entendre une version identique à celle de l’enregistrement réalisé par Istvan Kertesz pour Decca, qui reste à ce jour la gravure de référence.
Les femmes triomphent, et en tout premier lieu le magistral Sesto de la mezzo Isabelle Cals (photo ci-contre). Magnifique costume de Scarpitta qui situe l’action dans une Rome intemporelle. La voix est superbe avec des couleurs ravissantes et des vocalises réalisées avec brio et panache, ainsi qu’une maîtrise du souffle remarquable. Sa partenaire la plus proche, la soprano Gillian Webster, campe une Vitellia qui fait froid dans le dos. Là aussi la technique est sans faille, la voix égale sur toute la tessiture, sans rupture dans le passage, vocalise impeccable, vaillante à toute épreuve, comédienne habile, on comprend, et à juste titre, les atermoiements du pauvre Sesto, devant cette tornade qui balaie tout sur son passage.
Laure Baert est en énorme progrès et sa Servillia sait émouvoir tout en gardant fière allure. Finesse du timbre, aiguë facile, voix bien projetée et technique sans faille, la preuve que l’on peut faire carrière sans passer pour autant par le CNSM de Paris. Ultime dame qui triomphe dans cette Clémence, la mezzo Blandine Staskiewicz en Annius. Là aussi la voix est superbe et bien conduite. Les couleurs dont elle pare son personnage se fondent à merveille avec sa partenaire (Laure Baert) et les deux chanteuses forment un couple crédible à plus d’un titre.
Le Publius de Jean Teitgen se révèle à la hauteur de ces dames avec une voix, ample, généreuse et bien placée. Le comédien est habile et fait admirablement ressortir les déchirements d'un personnage partagé entre son devoir envers Titus et son amitié pour Sesto. Hélas, le Titus de Jean-Francis Monvoisin nous fait redescendre de L’Olympe. Par respect pour cet artiste que nous avons entendu sur cette scène il y a dix ans, nous n’en dirons pas plus. Est-ce rendre service à un artiste que de le distribuer en l’état actuel ?
Comme je le précisais plus haut le second artisan de cette soirée est le chef Jacques Mercier qui, à la tête de son Orchestre National de Lorraine, sculpte la partition et en tire de sublimes couleurs. Les cordes possèdent le soyeux qui sied à cette musique. Les solistes soutiennent parfaitement les chanteurs et l'on réservera une mention particulière pour le clarinettiste solo qui fait merveille tant dans l’aria de Sesto que dans celle de Vitellia.
Les chœurs, comme toujours à Metz, sont admirablement préparés par Jean-Pierre Aniorte. A louer tout particulièrement l’homogénéité des pupitres, ainsi que la qualité des phrasés. Idée ingénieuse que de diviser le chœur en deux pour le final du premier acte ! Une partie dans la fosse, l’autre en coulisse : cette disposition accentue l’effroi partagé par le peuple et les acteurs du drame devant l’incendie du forum.
Bernard Niedda
Metz Opéra Théâtre le 28 janvier 2005.
Photo: DR
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