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Nancy - Compte-rendu : Emouvante et Sublime Butterfly
Après Lille et Nantes, la sublime Butterfly de Jean-François Sivadier arrive enfin place Stanislas ! Quoi de plus rafraîchissant que de se transporter dans les alentours de Nagasaki, sans fioriture et sans « japo-niaiserie » excessive. Tout dans la mise en scène, en espace devrais-je dire, concourt à nous plonger au plus profond du drame.
Le spectateur est reçu par le maître des lieux dans un superbe costume japonais stylisé ; dès les premières mesures il accueillera les protagonistes du drame. Lors de la cérémonie nuptiale, un défilé de bannières bleue zébrée d’or permettra de symboliser les divers lieux de l’action.
Tout n’est que jeu et relations entre les divers protagonistes. Le duo qui clôt le 1er acte est une merveille de poésie, on comprend mieux l’impatience du bel officier devant la candeur de sa future épouse. Lorsque l’acte doit être consommé l'un des drapeaux se place devant le couple enlacé, et, dans la continuité du mouvement, les personnages disparaissent pour laisser une scène vide. On l’aura compris point de pommiers en fleurs, ni d’ombrelles, mais le drame, rien que le drame !
Dans cette vision, il fallait des chanteurs-comédiens hors pair, la distribution réunie par l’Opéra de Nancy et de Lorraine est en tout point digne des plus grandes maisons. La soprano slovaque Eva Jenis campe une Butterfly crédible de bout en bout. La voix est claire avec suffisamment de rondeur et de projection pour supporter l’opulente orchestration de Puccini. Le couple qu’elle forme avec la Suzuki de Liliana Mattei fonctionne à merveille, deux sœurs qui vivent intensément le même drame, la couleur de leurs voix se mariant dans d’infinies couleurs. Moment d’enchantement que toute la fin du deuxième acte.
Les hommes quant à eux ne déméritent nullement. Nicolas Gambotti campe un Goro fielleux à souhait avec un petit côté démoniaque qui sied bien au personnage. Voix belle et bien projetée - un futur Pinkerton. Le bellâtre de service est interprété par le ténor américain Awan Bowers. Belle voix bien placée avec des aiguës tranchant comme de l’acier. Son physique de poupon joufflu convient à merveille pour l’option choisie par Jean-François Sivadier. Le fil conducteur de cette conception est le consul Sharpless, interprété, joué devrais-je dire, par le Baryton américain LeRoy Villanueva. La voix est magnifique de rondeur et de projection, un legato à en faire pâlir plus d’un, une véritable leçon de chant et de comédie.
Travail de mise en place spectaculaire du metteur en scène, tous les personnages du plus important à la moindre silhouette a son rôle à tenir dans cette conception, l’enfant pour une fois n’est pas un figurant mais un personnage qui participe activement au drame (le petit Romain Malléa.). Le baryton Christophe Gay, élève de Christiane Stutzmann au CNR de Nancy, campe un commissaire impérial et un Yamadori avec une belle voix bien placée. Avec le temps il devrait rapidement aborder Sharpless.
L’Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy admirablement conduit par Pascal Verrot, fait entendre des couleurs somptueuses. D’infimes détails de la petite harmonie sont mis en avant par ce chef remarquable qui, par sa battue et son allant, n’est pas sans rappeler le grand Jésus Etcheverry. Admirable chœur conduit par Merion Powell. Homogénéité des voix dont le sublime chœur à bouche fermée offre une vivante illustration.
Bernard Niedda
Nancy le 30 janvier 2005
Photo: DR
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