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Sisteron - Compte-rendu - L’orchestre National d’Ukraine aux 50ème nuits de la Citadelle : une soirée décevante

La vie du « festivalier » regorge d’attraits irrésistibles notamment celui de découvrir des lieux insolites et enchanteurs. Le festival de Sisteron, ville typique des Alpes de Haute Provence, a ainsi pris place dans un cadre de toute beauté : niché au pied des remparts de la Citadelle, avec vue imprenable sur la vallée. Apparemment habitué aux températures très fraîches des lieux, le public est venu nombreux pour entendre l’Orchestre National d’Ukraine, son chef Volodymyr Sirenko ainsi que les deux illustres solistes invités, la violoniste Nemanja Radulovic et la pianiste Brigitte Engerer. Le niveau global de la soirée fut, contre toute attente, décevant à quelques exceptions près.

L’ouverture tragique Brahmsienne mit d’emblée en évidence les habituels problèmes d’acoustique dans les concerts en plein air : des cordes étouffées par les cuivres et un volume sonore d’ensemble peu élevé. Un Brahms en demi-teinte, plus proche d’une symphonie « pastorale » monotone que d’une œuvre intériorisée et tragique.

Le chef ukrainien ne parvint pas davantage à insuffler la passion nécessaire pour rendre grandeur et noblesse au concerto pour violon en ré majeur op.61 de Beethoven. Le violoniste Nemanja Radulovic tenta pourtant de hisser avec fougue et panache le niveau d’expression de ce chef d’œuvre, montrant de réelles possibilités techniques. Un Allegro ma non troppo complètement à côté de son sujet de la part de l’orchestre avec un choix de tempo rapide. Des interventions des cuivres et des percussions légères et aériennes. On peut regretter que le jeune serbe choisisse comme prise de risque une virtuosité exacerbée au détriment d’un phrasé plus ample. Sa cadence du premier mouvement par exemple, frénétique et brillante, fut somme toute assez inexpressive. Le Larghetto fut l’occasion de nuancer cette impression avec une sensibilité retrouvée. L’entente entre l’orchestre et le soliste sembla enfin s’instaurer dans le Rondo Allegro. Plus de cohérence d’ensemble malgré un manque de profondeur des violons dans le climax final.

Après l’entracte, l’orchestre se montrait enfin plus percutant à travers l’ouverture de Benvenuto Cellini, l’opéra composé par Berlioz. La riche instrumentation et le caractère fantastique de ce scherzo enfiévré semblent mieux lui convenir. Pour clore ce concert, une piètre version de l’Empereur. C’est une Brigitte Engerer en petite forme qui se lança dans le 5e concerto de Beethoven, peut être frigorifiée par la température ambiante ou tout simplement peu préparée pour cet évènement. Il est surprenant de voir une concertiste reconnue sur le plan international jouer avec la partition. La française, occupée à tourner les pages, faisait craindre un retard de plusieurs mesures à chacune de ses interventions. Ce ‘grand concerto’ se résuma de part et d’autre à une succession de notes sans réel caractère, du moins pas celui qu’impose cette œuvre majestueuse.

Une entrée jouée piano de la part de la soliste et des traits noyés dans la pédale. Si le toucher est élégant et fin, omniprésence d’un rubato exagéré et de nuances personnelles. L’orchestre prit étonnamment le pas sur le piano, plus en retrait dès l’Allegro initial. L’Adagio, quant à lui, retombe dans les éternels travers : un sentimentalisme tiède à défaut d’être contemplatif, choix du tempo très discutable... Pas plus de jubilation dans le Rondo avec un orchestre qui a du mal à suivre son chef. Côté piano, des basses loupées et une improvisation dans le trait final pour conclure sur une impression d’à peu près.

Florence Michel

Nuits de la Citadelle de Sisteron, le 2 août 2005

Photo: DR
 

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