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Montpellier - Compte-rendu : Un Nicolaï Lugansky des grands jours
Le 3e Concerto pour piano de Serguei Rachmaninov a souvent été associé au pianiste Vladimir Horowitz tant son interprétation a su sublimer ce redoutable chef d’œuvre peu de temps après avoir été composé. Nicolaï Lugansky semble en être devenu aujourd’hui l’héritier après une véritable démonstration lors du 2e concert d’une série de trois, commencée le 9 décembre dernier au Corum de Montpellier.
Une affinité profonde entre le soliste et le compositeur russe qui ne fait que se confirmer au fil des saisons. Sa vision de ce concerto ne s’éloigne pas tellement de la partition initiale contrairement à d’autres répertoires où sa vision personnelle prend parfois à contre-pied l’auditeur : c’est le cas dans sa surprenante « Appassionata » de Beethoven. Tout comme les meilleurs interprètes de sa génération, il offre cette fraîcheur de l’instant présent et une lecture jamais figée. Les quelques 42 minutes intenses de musique seront passées bien vite ! Dans son élégance habituelle, une économie de gestes, son toucher semble approprié à chaque passage. S’illustrant dans une partition de haute voltige, sa technique a impressionné : en puissance et au fond du clavier - quelle entrée du piano dans le 2e mouvement ! - délicatement, en effleurant les touches - un enchaînement fluide de séquences courtes dans le registre du haut du clavier dans le 3e mouvement -, contemplatif et poétique dans l’énonciation du 1er mouvement….
Il est l’un des rares à garder cette clarté dans les séries d’accords jouées triple forte. L’unité de jeu laisse transparaître une réflexion d’ensemble : rien n’est laissé au hasard dans chacune de ses interventions. Il choisit par exemple de graduer les effets de crescendo comme avec cette pulsation interne de la main gauche dans le 3e mouvement. Au côté d’une performance pianistique aussi aboutie, l’Orchestre National de Montpellier a su tirer son épingle du jeu sans être trop en retrait ou chercher à tomber dans l’emphase. Entre les différents mouvements, les musiciens étaient attentifs à leur chef, le fantasque Stefan Anton Reck. On eu même l’impression qu’ils s’adressaient à eux comme un coach le fait à son équipe.
Après le bis enchanteur donné par Lugansky, la Berceuse op 72 n°2 de Tchaïkovki transcrite par Rachmaninov, changement atmosphérique total avec la Sinfonia da Requiem op.20 de Benjamin Britten. L’armada instrumentale requise sur scène est imposante. Après l’évocation du chaos et une longue plainte lancinante, place à une allusion au Jugement dernier et au martèlement des percussions, à l’agitation des cuivres. Puis, survient une atmosphère plus aérienne et sereine pour clore cette œuvre originale. S’agissant à l’origine d’un ballet sous forme de suite, l‘Oiseau de feu’ de Stravinski laissait présager une fin de soirée passionnante. Pourtant, malgré une homogénéité d’ensemble, des qualités instrumentales évidentes au sein de l’orchestre, cette interprétation n’a pas réellement décollée. Mystérieuse, cette pièce très colorée et évocatrice est, en effet, censée être d’une énergie vivifiante.
Florence Michel
Programme de l’Opéra Berlioz – Le Corum
Montpellier, le 9 décembre 2005, Opéra Berlioz - Le Corum
Photo : DR
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