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Paris - Compte-rendu : Koyaanisqatsi de Philip Glass à la Cité de la Musique
Vingt ans après sa sortie, Koyaanisqatsi a inauguré la Qatsi Trilogy donnée à la Cité de la Musique lors du cycle Musique/Cinéma – Regard Actuels. Sous-titré Life Out of Balance, ce documentaire-essai associant la caméra de Godfrey Reggio à la plume de Philip Glass avait eu pour suites, ou conséquences, Powaqqatsi – Life in Transformation et Naqoyqatsi – Life as War. Produit par Coppola, le film sorti en 1983 s’était imposé sur les écrans sans aucun personnage ni dialogue, seuls quelques plans s’attardant sur des visages venant « humaniser » ce réquisitoire contre les excès de la civilisation, contrebalancer l’accumulation d’images de frénésie urbaine.
Si l’on a pu parler de « fusion entre image et son » à propos de Koyaanisqatsi, il faut préciser que le film et la partition – conçus en étroite imbrication – pourraient se suffire à eux-mêmes, procédant plus d’une symbiose (par le rythme, les accélérations, la distanciation) que d’une totale synchronisation. Cependant, la lancinante partition de Glass développée d’une seule traite accompagne à merveille l’univers visuel de Reggio, lequel jouera volontiers sur la répétitivité géométrique des paysages urbains et trouve en ces pages instrumentales un pendant idéal. Koyaanisqatsi se conçoit comme un vaste « zoom » partant des paysages désertiques de l’Ouest Américain – les premiers plans contemplatifs s’attardent longuement sur la matière naturelle et ses mouvements (sable, roches, courses de nuages et d’ombres) – avant de s’enfoncer toujours plus avant et plus vite dans la jungle urbaine : le film de Reggio use largement des accélérations-décélérations d’images pour ce réquisitoire contre l’avilissement, la destruction de l’environnement par le monde moderne.
Entre contemplation de la nature et vertige des villes, voici une vision apocalyptique de cette collision entre technologie et nature – le titre de Koyaanisqatsi évoquant dans la langue des indiens Hopi « vie déséquilibrée » – posant un regard aussi amer que lucide sur le monde moderne, accumulant les destructions d’immeubles, champignons atomiques et autres dynamitages dans des mines à ciel ouvert, affirmant une prédilection pour les flux (marées humaines, autoroutes, trafic urbain nocturne) dont la caméra de Reggio souligne consciencieusement l’inexorabilité, avec le soutien des arpèges déroulés aux synthétiseurs, claviers et voix. Heureuse idée que d’avoir convié à la Cité de la Musique le Philip Glass Ensemble, placé sous la direction de Michael Riesman, pour sertir les images en direct de ces pages minimalistes toujours efficaces, forts représentatives du langage de Glass.
Nicolas Baron
Cité de la musque, le 16 décembre 2005.
Programme de la Cité de la musique
Photo : DR
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