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Paris - Compte-rendu : En progrès. Siegfried de Wagner au Châtelet
Bonne nouvelle : Christoph Eschenbach a réinvesti la fosse. Tout ce qu’il laissait retomber dans des tempos étirés au possible durant Walkyrie est cette fois soutenu, porté toujours, animé parfois. Ce sostenuto peut saouler, comme durant tout le I, constamment fortissimo, avec une masse d’orchestre compacte, verticale assez oppressante mais trop uniforme. Il est vrai que le jeu codifié à la seconde que Wilson impose à son Mime, Volker Vogel, accroît ce sentiment de profusion étouffante. La voix est quelconque, vous ne trouverez pas derrière cette gestique caricaturée – mais Vogel entre avec une virtuosité épatante dans les maniérismes wilsoniens, c’est à noter – le vrai Mime, ambigu, dangereux, vipérin. Le temps des Kuen et des Wohlfhart est révolu, celui des Zednik et des Clark aussi.
Siegfried sonore, Jon Frederic West qui ressemble à un Windgassen hors d’âge, ne peut faire preuve que d’héroïsme, et contre toute attente le coté grand benêt du héros ressort malgré le metteur en scène ce qui nous vaut quelques moments aussi désopilants qu’involontaires. On passera sur Rasilainen, silhouette efficace mais voix de bois qui massacre et son allemand et son solfège, et plus encore sur la Brünnhilde absolument transparente de Linda Watson, désengagée dès sa première note.
Lorsque paraît l’Alberich de Sergei Leiferkuss, on est saisi par un art vocal qui prouve qu’interpréter Wagner n’est jamais l’aboyer. Deux incarnations majeures : Kurt Rydl inusable en Fafner, sonorisé profond comme les abysses et Qiu Lin Zhang, Erda vaticinante et tranquillement terrible au chant de velours. Si la forge de Mime est minimaliste jusqu’au contre sens, si le rocher de Brunnhilde avec son feu magique allumé au pétard rappelle à s’y méprendre les déserts scéniques chers à Wieland Wagner, la Forêt est réussie. Oui, on a déjà vu cent fois ces troncs stylisés qui bougent, mais une poésie s’en dégage toujours, et le dragon, gueule d’or fumante, où le Waldvogel, personnifié par un danseur de dix ans, Louis-Alexander Désiré, à peine habillé par un pagne relevé typique de Frida Parmegiani, et qui en un geste rend à Wilson la vraie poésie de son mouvement en réalité assoiffé de fluidité, ont fait de cet acte celui que le metteur en scène aura jusque là le mieux saisi.
Jean-Charles Hoffelé
Première de Siegfried de Richard Wagner, le 26 janvier, puis les 31 janvier, 5 et 8 février.
Photo : M.N. Robert
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