Journal
Tugan Sokhiev, le charisme d’un grand
Ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion d’aller entendre Tugan Sokhiev (photo ci-contre) à Toulouse attendent avec impatience le premier concert parisien du successeur de Michel Plasson à la tête l’Orchestre National du Capitole, le 24 mai - tandis qu’une nouvelle aventure discographique s’annonce pour la phalange toulousaine…
Toulouse, jeudi 15 décembre 2005 : le concert que dirige Tugan Sokhiev à la Halle aux Grains marque la prise de fonction officielle du jeune chef à la tête de l’Orchestre National de Toulouse. Dukas, Stravinski, Tchaïkovski : exigeant, le programme met en valeur tant la précision et la musicalité de sa baguette que la relation très étroite qu’il noue d’emblée avec ses musiciens. Vingt-huit ans à peine… On est a proprement parler « soufflé » par la science de l’orchestre et le charisme du jeune maestro ! L’ « idée du son » : n’est-ce pas la signature de tout grand interprète ? Il en est une qui s’exprime de façon éclatante chez Sokhiev !
Né en Ossétie du Nord en 1977, le successeur de Michel Plasson n’est certes pas bien âgé mais peut toutefois déjà s’enorgueillir d’un parcours très riche. A commencer par une formation à Saint-Pétersbourg au cours de laquelle il a d’abord reçu les précieux conseils d’Ilya Musin - l’une des plus grandes figures de l’école de direction d’orchestre de Saint-Pétersbourg -, avant de terminer ses études sous la conduite de Yuri Termirkanov après le décès de Musin en 1999. Ajoutons que parallèlement à son cursus au Conservatoire, Sokhiev fréquentait assidûment les répétitions de Gergiev au Théâtre Mariinsky…
Avec le Premier Prix du Concours Prokofiev en 2000, la carrière du jeune chef ossète prend son élan et les engagements se multiplient, en Russie comme à l’étranger. Passionné par le répertoire symphonique aussi bien que lyrique, Sokhiev est nommé en 2001 au Welsh National Opera. C’est le début d’une profitable expérience de trois ans qui le familiarise avec le fonctionnement d’une maison d’opéra occidentale - bien différent de celui d’un théâtre tel que le Mariinsky (institution avec laquelle il collabore d’ailleurs à présent en tant que chef invité).
Dans le même temps, Sokhiev noue des contacts avec des formations prestigieuses comme le Philharmonia de Londres ou l’Orchestre National du Capitole de Toulouse qui le reçoit pour la première fois en octobre 2003 pour un programme russe. Un vrai coup de foudre ! «Un déclic s’est produit et tout a fonctionné dès la première minute », se souvient Tugan Sokhiev. Un nouveau concert en décembre 2004 – année où Sokhiev s’est distingué au Festival d’Aix en dirigeant un mémorable Amour des Trois Oranges -, confirme cette excellente première impression, dans un programme intégralement français. L’accueil positif réservé à ce concert test contribue largement à la désignation de l’artiste à la succession de Michel Plasson.
Conscient de ce qu’il a reçu en héritage en prenant la tête de l’Orchestre National du Capitole, Tugan Sokhiev nous confiait l’été dernier : « Je pense que le devoir de tout chef, lorsqu’il prend la tête d’un orchestre au riche passé tel que l’Orchestre National du Capitole de Toulouse, c’est de ne porter en rien atteinte à la tradition, à l’expérience dont l’orchestre est porteur mais de tirer parti de cet héritage pour aller de l’avant, pour développer l’orchestre.»
Il reste que la nomination d’un nouveau directeur musical comporte toujours une part de risque, d’inconnu… Tandis que l’Orchestre du Capitole vient de remporter un succès énorme à Vienne au mois de mars, Thierry d’Argoubet (Délégué général de l’orchestre), constate avec satisfaction que « toutes les perspectives qui se présentaient au moment de la nomination de Tugan Sokhiev se réalisent aujourd’hui ».
2005-2006 aura fait figure de « saison intermédiaire » avec seulement quinze concerts dirigés par celui qui porte le titre officiel de « Premier chef invité et Conseiller musical », mais à partir de la rentrée prochaine 60% de concerts lui seront confiés.
Preuve de la confiance qui règne entre Sokhiev et la phalange toulousaine, Thierry d’Argoubet nous annonce qu’une nouvelle aventure discographique débute pour l’Orchestre National du Capitole avec Naïve : après un programme de musique russe cet été, c’est la Symphonie Fantastique de Berlioz que Sokhiev enregistrera pour ce label à la rentrée.
En attendant de découvrir ces disques on se prépare à la venue de Sokhiev et des Toulousains à Paris, le 24 mai. Le Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy, Shéhérazade de Ravel (avec la mezzo Magdalena Kozena) et la Fantastique du bouillant Hector. Il s’agit là du premier programme intégralement français dirigé par Sokhiev avec l’Orchestre National du Capitole à l’extérieur de la ville rose. Un test ? A n’en pas douter. Mais aussi, on en prend volontiers le pari, la confirmation de ce que Toulouse a fait le choix d’une des plus superbes baguettes de la nouvelle génération.
Une soirée à ne pas manquer !
Alain Cochard
(Si vous êtes à Toulouse ou dans sa région, vous pouvez entendre Tugan Sokhiev à la tête de l’Orchestre National du Capitole à la Halle aux Grains le 18 mai à 20h 30 dans un programme Debussy, Stravinski, Dvorak et le 23 mai à 20h 30 dans Beethoven [le 2ème Concerto pour piano avec Nicholas Angelich] et Moussorgsky/Ravel)
Orchestre National du Capitole de Toulouse, dir. Tugan Sokhiev
Théâtre des Champs-Elysées
Mercredi 24 mai à 20h.
Photo : DR
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