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Paris - Compte-rendu : Viol sous voile
On soigne beaucoup les voix à l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris : toute cette distribution chante d’or, mais parfois trop appuyé, trop lancé pour l’acoustique vite saturée de l’Athénée. Clairement ces jeunes gens veulent emplir le grand vaisseau de Bastille. Pour le Viol de Lucrèce c’est un peu une hérésie, pour un chanteur déjà aussi aguerri qu’Igor Gnidii – entendu tout récemment dans Traviata où il campait un parfait Marquis d’Obigny - c’est presque une faute. Il lui aurait fallu ménager son Tarquinius pour le faire éclater au viol, or il est déjà fortissimo dès la beuverie.
Si l’on soigne les voix, on oublie qu’un chanteur est aussi, avant tout peut être, un acteur. Cela Gnidii, par expérience, le sait déjà suffisamment pour composer un vrai portrait. Mais dans cette même scène de la beuverie, aussi morne que l’ait voulue Britten en l’engluant dans cette atmosphère entre chien et loup, on ne supporte pas de voir nos trois comparses s’enivrer raides, les bras collés au corps. Stephen Taylor a été bien léger de ne pas savoir animer ces jeunes gens : seuls parmi eux la Lucrèce stylée d’Anna Wall et le Junius assez idéal de Wiard Witholt bougeaient naturellement.
Les dimensions modestes de la scène de l’Athénée n’invitent pas, il est vrai, à l’expansion. Et le dispositif encombrant, boîte à demi fermée qui tourne sur elle même, de Laurent Peduzzi, en réduisait encore les maigres possibilités. Transposition sans surprise, en guerre conformément aux dates de la composition de l’œuvre. Costumes militaires. Même pour le chœur, ce qui est une hérésie, car il faut différencier le commentaire chrétien qu’apporte ces deux chanteurs de l’univers païen des étrusques et des romains, lesquels dans cette atmosphère de blitz ne se distinguaient plus les uns des autres. Confusion regrettable. Et pour le viol, un grand voile pudique qui joue les effarouchés - facile…
Restait Lucrèce, joliment secondée par la Bianca de Cornelia Onciou. Si les graves font un peu défaut à Anna Wall, sa ligne de chant épuré, la simplicité de son incarnation nous offre une grande Lucrèce, élégante, triste sans affectation. Taylor souligne à peine son suicide que Britten précipite en quelque sorte. Mention spéciale aux interprètes du chœur : Vincent Delhourme n’a pas les aigus de Pears, mais chante avec beaucoup d’attention et singularise les épisodes, Marie-Adeline Henry est simplement idéale de grâce contrite.
En fosse pas assez de pianissimo, pas assez de contrôle. Britten a écrit son petit orchestre très sonore, ce qui était justifié par les dimensions du Malting Snapes. A l’Athénée, tout aurait gagné à regarder plus du côté de la suggestion.
Jean-Charles Hoffelé
Benjamin Britten : Le viol de Lucrèce, Théâtre de l’Athénée, le 28 juin 2007
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Photo : Cosimo Mirco Magliocca
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