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Paris - Compte-rendu : Orchestre Symphonique de Chicago et Muti - Diesel de luxe
Chicago est une légende : pour le mélomane, s’il est un tant soit peu discophile, l’orchestre de Fritz Reiner, un son abrasif, virtuose, une formidable machine à broyer, d’un grain unique. A Pleyel hier soir on était loin de cette légende qui après tout n’est peut être plus depuis longtemps qu’un souvenir de bakélite. Barenboïm a régné durant quinze ans sur l’orchestre et ce long magister a laissé des séquelles : rien n’attaque jamais, l’accord global laisse à désirer – en particulier chez les cuivres - les cordes, somptueuses, manquent de raptus. L’orchestre reste pourtant un instrument magnifique, mais jamais enivrant. Sa virtuosité est solide, point barre.
La rencontre de ce splendide moteur diesel avec le côté volontiers néoclassique de Muti produit une adéquation très lisse ; la Pathétique en fait les frais, jamais narrative, sinon dans sa coda où soudain quelque chose semble se dire, mais quoi exactement ? Une marche prudente, un Allegro très con grazia mais sans une ombre, un premier mouvement où Muti surligne presque maladroitement les trois épisodes, tout traité de façon terriblement séquentielle.
Passons sur le Nobilissima visione de Hindemith, une musique qui aurait gagné à ne pas être écrite et que l’orchestre - peut-être plus que Muti qui à Vienne, dit-on, lui donne plus d’aisance et de lumière - alourdit et solennise, en accusant le terrible creux d’inspiration et la pauvre mise en œuvre. Nous étions venus pour le Poème de l’Extase. Et nous n’avons eu ni Poème, ni Extase. Une lecture élégante, très corsetée sinon à la toute fin de coda, avec une trompette dans le rang, comme une négation appliquée de l’orchestre éruptif et polychrome de Scriabine. Faire Scriabine ainsi ou ne pas le faire revient au même, et pour les Parisiens qui avaient encore dans l’œil et dans l’oreille le geste dionysiaque de Svetlanov, tout cela ne fut probablement que de l’eau tiède.
Comme le remarquait notre excellent confrère Rémy Louis, les musiciens, en fin de tournée, étaient probablement fatigués et n’avaient pas eu le temps de trouver leurs marques dans l’acoustique fuyante de Pleyel. Oui, mais l’élégance qui ne voit jamais au-delà d’elle-même de la musique d’entracte de Rosamunde, bis où Muti montrait avec ostentation son légendaire bon goût est symptomatique du malaise ressenti tout au long du concert. Découragé nous avons séché le formidable programme du lendemain. Il semble d’après quelques échos autorisés que nous ayons eu tort.
Jean-Charles Hoffelé
Concert de l’Orchestre symphonique de Chicago et de Ricardo Muti, Salle Pleyel le 2 octobre 2007
Photo : DR
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