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Toulouse - Don Giovanni tel qu’en lui-même
Pas de doute, Don Giovanni est une basse. Ildebrando D’Arcangelo enfonce le clou. Longtemps Leporello à la scène comme au disque (pour Gardiner, et pour Abbado il aura enfilé les défroques de Masetto), il connaît son Don Giovanni de l’intérieur. Mordant et cassant comme Ramey, mais avec dans la voix le velours de Siepi il risque bien à l’égal de ce dernier, de s’approprier le rôle pour les deux décennies à venir. Car si vocalement on atteint la perfection, l’incarnation dramatique – pour ne pas évoquer son vrai physique de burlador – cloue sur place. Jamais sur joué, toujours subtil et souvent éclairant sur le personnage, D’Arcangelo est simplement Don Juan.
Nicolas Jöel a donc eu une fois de plus le nez creux en lui demandant de chanter au Capitole ses premiers Don Giovanni français – seules les ont précédés quelques apparitions au San Carlo de Naples. Il a fait mieux en l’entourant d’une distribution immaculée : Barbara Haveman a peu cherché sa voix en Mozart – une Comtesse des Noces un peu passe-partout pour Strasbourg avait laissé dubitatif. Mais Donna Elvira lui va comme un gant, véhémente, impérieuse ; il passe dans l’élégance dardée de son chant rien moins que le souvenir d’une Varady. C’est assez dire. Sobre Donna Anna de Tamar Iveri, qui ne pousse pas au pathos mais donne au personnage une dimension tragique bienvenue.
Les clefs de fa sont parfaitement appariées : le Leporello un peu clair et très brave garçon de David Bizic se frotte au Masetto sombre et un peu sec de Paul Gay, les deux s’équilibrent naturellement ; la basse profonde d’Oskarsson incarne le plus terrible des commandeurs à la scène finale, mais aussi un père furieux très étonné de mourir. Perle absolue de la soirée, le Don Ottavio de Topi Lehtipuu. « Dalla sua pace » miraculeux de couleurs, de ligne, de legato, avec ces pianissimos si émouvants, « Il mio tesoro » jamais à court de souffle, avec une noblesse de ton et un grain dans la voix qui évoque l’immense Josef Réti.
En fosse Gunther Neuhold nous fait un Don Giovanni pour Karlsruhe, sérieux, assez tragique par moment, très bien tenu. Mais pardon, en relatif bisbille avec la scène, car Brigitte Jacques-Wajeman insiste avant tout sur le giocoso que visiblement le chef n’entend pas. Sa production est un modèle, simple, très subtile dans l’analyse des caractères, lisible de bout en bout, jusque dans sa discrète résurrection de Don Giovanni porté par une direction d’acteur toujours inspirée. Dans les décors magiques d’Emmanuel Peduzzi – cette futaie à la fois nostalgique et dangereuse – ce spectacle magnifié par les lumières de Jean Kalman s’inscrirait naturellement dans le cadre du Palais Garnier. Gageons que Nicolas Joël y pense.
Jean-Charles Hoffelé
Wolfgang Amadeus Mozart, Don Giovanni, Toulouse, Théâtre du Capitole, le 9 novembre, puis les 11, 13, 16, 18, 20, 23 et 25 novembre 2007.
Photo : DR
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