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Saint-Etienne - Compte-rendu : Les caprices d’Ariane au Festival Massenet
Voilà une vraie curiosité que cette Ariane, et dont la redécouverte relève des devoirs d’un festival comme celui que la ville de Saint-Etienne voue tous les deux ans à son fils Jules Massenet, et cela depuis deux décennies maintenant. Oui, une « curiosité » dans tous les sens du terme, car ce grand opéra en 5 actes traité en 1906, soit quatre ans après le coup de tonnerre de Pelléas et Mélisande de Debussy, à la manière ancienne d’une tragédie lyrique française de Quinault et Lully a de quoi surprendre au premier abord nos oreilles de « modernes malgré nous ».
Ce retour à l’antique, comme on disait alors, ne doit pourtant rien au hasard surtout pas à l’Opéra de Paris où Ariane fut créée. Il y intervient, en effet, à quelques semaines de l’échec au Palais Garnier de la reprise d’une autre tragédie lyrique célèbre signée Rameau, Hippolyte et Aricie. De quoi attirer notre attention sur le pieux mensonge de nos baroqueux d’aujourd’hui qui eurent, ne leur en déplaise, des prédécesseurs déterminés au tournant du siècle dernier ! Tous les musiciens d’alors, de Berlioz à Debussy en passant par Gounod, Bizet et Massenet connaissaient parfaitement Gluck, Rameau et Lully.
La preuve, c’est qu’à l’instar de Berlioz un demi-siècle auparavant, Jules Massenet, père de Werther et de Manon, se met sciemment et savamment à l’école de Gluck. En témoigne le quatrième acte d’Ariane, qui se passe traditionnellement aux enfers de l’opéra baroque comme aux plus beaux jours de l’Ancien Régime : preuve que Lully a la vie dure même après les révolutions de Wagner et de Debussy ! L’art n’évolue jamais en ligne droite : en cette année 1906, Paul Dukas écrit son Ariane et Barbe Bleue et Richard Strauss se saisit des mythes classiques de Salomé et d’Elektra sans regarder en arrière, mais au contraire en écrivant sa musique la plus novatrice, la plus moderne.
Passé l’acte des enfers, le cinquième et dernier de cette Ariane est placé sous le signe de… Wagner, autre divinité tutélaire d’un Massenet âgé alors de soixante-quatre ans ! C’est que l’amour adultère de Thésée pour sa belle sœur Phèdre lui évoque celui de Tristan et Isolde. Quant à Ariane, elle se précipite dans les flots de Naxos pour y noyer son chagrin comme une vulgaire walkyrie. C’est dire qu’au-delà d’un formalisme relevant du vieux moule classique, l’orchestre emprunte ici à toutes les palettes. Vocalement, Massenet peine à sortir de son langage propre qui n’est pas le plus approprié à la tragédie classique : il esquisse des ensembles qui tournent court et les grands airs ont du mal a tenir la distance.
A la décharge du compositeur, il faut dire qu’il n’a pas trouvé dans le ronflant Catulle Mendès un Maeterlinck à sa mesure… et comme la distribution a une prononciation irréprochable, aucune faiblesse du texte, pour ne pas dire plus, ne nous est épargnée ! Du moins, la photographie que nous en offre le Festival Massenet est-elle parfaitement ressemblante. Ce qui est un compliment adressé à toute l’équipe de production. Et d’abord au chef Laurent Campellone, excellent à la tête de l’orchestre et des Chœurs de Saint Etienne.
Juvénile, la distribution est aussi remarquablement homogène avec en tête le parfait Thésée du ténor Luca Lombardo solidement entouré du baryton Cyril Rovery en Pirithoüs, de l’Ariane de Cécile Perrin qui gagne ses galons de diva, de Barbara Ducret Phèdre touchante, et de la mezzo Anne Pareuil à la voix aussi ténébreuse que les enfers dont elle est la reine Perséphone. Jean-Louis Pichon a établi le classicisme voulu par Massenet en inscrivant l’action dans l’arène d’un théâtre grec signé Alexandre Heyraud tandis que les élégants costumes sont toujours griffés Frédéric Pineau.
Jacques Doucelin
Ariane de Massenet, le 11 novembre 2007 à l'Opéra de Saint-Etienne.
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Photo : DR
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