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Paris - Compte-rendu : Gardiner baroquise Brahms
Après avoir magnifiquement ressuscité Les Troyens de Berlioz pour Jean-Pierre Brossmann au Châtelet, et avant d’ouvrir la première saison de Jérôme Deschamps à l’Opéra Comique avec L’Etoile de Chabrier à partir du 13 décembre prochain, John Eliot Gardiner, son Monteverdi Choir et son Orchestre Révolutionnaire et Romantique se sont lancés à l’assaut de Johannes Brahms. Plus de trois décennies séparent Berlioz de Brahms… et en ce temps-là, les années comptent double !
Notre Hector national appartient au premier romantisme. Ce fils de la Révolution française comme Napoléon, admire la Rome antique et son idéal reste classique, incarné par Gluck et l’acteur Talma. C’est là la raison de la réussite parfaite de Gardiner dans ses Troyens. Brahms, lui a pour modèle et mentor Schumann, Schubert et Mendelssohn sont ses maîtres ès musique. Le chef de chœur qu’il fut aussi participe à la « redécouverte » par les romantiques allemands des grands classiques, Jean-Sébastien Bach en tête. Berlioz, lui, a été bercé par les tragédies lyriques de Gluck, tandis que Brahms n’avait pas l’expérience des classiques avant de rechercher leur musique pour la faire revivre avec …sa sensibilité à lui : on ne jouait plus de son vivant les grands oratorios de Bach !
C’est pourquoi le raisonnement de Gardiner ressemble fort à un sophisme, qui consiste à dire : « puisque Brahms a dirigé les œuvres des compositeurs baroques et s’en est inspiré dans ses propres pièces religieuses, appliquons à celles-ci les règles d’interprétation que nous utilisons pour Bach. » Cette fausse bonne idée s’est transformée en piège infernal quand Gardiner a appliqué sa « recette » aux deux premières symphonies de Brahms ! Ses premières soirées ont certes été passionnantes, mais force est de constater que ce sont ses choristes qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu lorsqu’ils chantaient des motets a cappella de Brahms ou Le Chant du destin.
Pour bien affirmer cette filiation des compositeurs de l’âge baroque à Brahms, le chef britannique a très opportunément, pour ne pas dire courageusement, mis en regard des pièces de Schütz et de la famille Bach. Des Lieder de Schumann, Mendelssohn et Brahms ont, en revanche, parfaitement illustré l’incohérence esthétique et historique de la démarche de Gardiner, les choristes respectant d’instinct le style romantique, tandis que l’orchestre semblait accompagner une leçon de ténèbres du XVIIe siècle ! C’est drôle, mais guère probant à l’exception, peut-être, de la Rhapsodie pour alto joliment défendue par Nathalie Stutzmann.
La 1ère Symphonie n’a pas trop souffert non plus grâce à son côté « premier essai » du traitement radical de l’orchestre : l’absence de vibrato donne du mordant aux cordes. Mais c’est la profondeur d’ensemble qui fait défaut. Un Philippe Herreweghe avec son Orchestre des Champs Elysées parvient à plus de moelleux et de souplesse dans ce répertoire du romantisme plus tardif ; Bruckner et Wagner compris. Avec la 2ème Symphonie, c’est une autre paire de manches ! D’ailleurs, on surprend les premiers violons à vibrer sur la dernière note de la mélodie de l’Allegro initial.
Paradoxalement, cela ne fait que brouiller les pistes ! La petite harmonie est jolie – flûte et hautbois – les cors de chasse – pour complaire à l’amour que leur vouait Brahms (sic !) se cachent derrière les cordes pour pratiquer plus discrètement leur chasse aux canards… Un rayon de soleil se produit au troisième mouvement, le scherzo traditionnel, quand le thème léger évoque soudain celui de la reine Mab de Berlioz : le miracle des Troyens se reproduit. Un ange passe comme on dit. Hasard fugitif.
Jacques Doucelin
PS : Nous n’avons pu arriver à temps pour la dernière soirée avec le Requiem allemand
Salle Pleyel, les 15, 16 et 18 novembre 2007
Programmation de la Salle Pleyel
Photo : DR
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