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Paris - Compte-rendu : Poésie secrète


Pas mal d’aspects du patrimoine artistique suisse demeurent méconnus du public français. L’exposition Hodler qui s’achève au Musée d’Orsay aura été l’occasion d’une découverte pour beaucoup de visiteurs ; de la même façon que la programmation musicale de l’Auditorium aura révélé plusieurs partitions helvètes. Avait-on affaire à la création parisienne de l’Elégie, op 36 pour baryton et ensemble instrumental d’Otmar Schoeck samedi ? On ne saurait l’affirmer avec certitude mais tout porte à le supposer.

Grâce à Laurent Naouri et à un groupe d’instrumentistes issus de l’Orchestre de Paris, auxquels s’associait le pianiste Maciej Pikulski, tous dirigés par François-Xavier Roth (photo), l’auditeur a pu s’immerger dans la poésie secrète, sombre, violente parfois d’une composition (datée de 1922) écrite sur vingt-quatre poèmes de Lenau et Eichendorff. A l’écoute de la musique des vers, Schoeck nous entraîne dans un beau voyage poétique ancré dans l’imaginaire romantique allemand - et marqué par la complexe relation de l’artiste avec la pianiste Mary de Senger. Même si la prononciation allemande Naouri n’est pas toujours un modèle de naturel et de fluidité, le baryton sait explorer l’ouvrage avec un sens des climats et une absence d’effet qui en souligne la prégnante complexité, jusqu’au bouleversant appel à la nuit consolatrice du dernier poème signé Eichendorff.

L’interprétation de F.X. Roth et de ses musiciens témoigne de beaucoup d’engagement et de relief. Presque trop parfois, car l’acoustique – très – bien sonnante de l’Auditorium et le manque de profondeur de la scène engendrent quelques problèmes d’équilibre – la voix est trop couverte dans les épisodes les plus énergiques -, mais ces réserves ne sauraient toutefois remettre en cause l’intérêt d’un concert, bien dans l’esprit de la politique artistique « découvreuse » menée par Pierre Korzilius, qui se refermait d’une intimiste et émouvante manière avec les Quatre chants sérieux de Brahms où Naouri profitait de la complicité et de l’intelligence musicale de Maciej Pikulski – qui ne se cantonne jamais au simple rôle d’ « accompagnateur ».

Alain Cochard

Auditorium du Musée d’Orsay, samedi 19 janvier 2008

Photo : Grégoire Pont

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