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Lyon - Compte-rendu : Un Nô lyrique - Lady Sarashina de Eötvös
Somptueuse ouverture de la Biennale Musiques en Scène et du Festival Japon 2008 à l’Opéra de Lyon avec la création mondiale du dernier opéra de Peter Eötvös Lady Sarashina sous la direction du compositeur. Juste retour des choses pour la capitale des Gaules dont la politique culturelle offre depuis longtemps un bel exemple d’intégration des différentes institutions lyonnaises. En vertu de l’adage qui veut que l’union fasse la force, tout le monde est sur le pont en ce début de mars glacial, du TNP avec ses Langagières à l’Orchestre National de Lyon qui a invité le grand pianiste Pierre-Laurent Aimard, en passant par l’Ensemble orchestral contemporain de Daniel Kawka et l’Opéra de la ville.
Cette Lady Sarashina n’est certes pas un opéra au sens traditionnel du terme, mais ce nô lyrique représente davantage dans sa tentative magnifiquement réussie de réunir les arts d’Orient et d’Occident. Il s’agit de neuf tableaux tirés de fragments du journal d’une dame de la cour japonaise du XIe siècle, mixte de notre Aliénor d’Aquitaine et d’Hildegard von Bingen version nippone. Pour la mise en scène, Eötvös s’est tourné à nouveau vers le chorégraphe Ushio Amagatsu, fondateur de la compagnie Bhuto Sankai Juku, qui avait assuré le triomphe de son premier opéra, Trois sœurs déjà à Lyon. Résultat stupéfiant tant l’interpénétration du son et de l’image atteint à un degré rare : la scène est transformée en aire de jeu zen, réduite à l’épure, deux cercles métalliques figurant la course de la lune.
Costumes et maquillages contribuent à cette étrangeté et à ce hiératisme. Mais la décomposition des mouvements, leur lenteur relative, n’est pas imitation de ceux du gagaku, par exemple, cette musique de cour empreinte d’une lenteur qui abolit jusqu’à la notion même d’écoulement du temps. Simplement, nous rêvons en sympathie avec cette noble dame, avec un chat, avec un prêtre …L’orchestre imaginé par Eötvös est tout sauf folklorique, sans se refuser une étrangeté sonore, un miaulement de corde, un feulement de cuivre, une clochette qui tintinnabule, voire le souffle d’une flûte démultiplié par une batterie de haut- parleurs au pourtour de la salle. Mais jamais cela ne sent son artifice. Eötvös est trop habile et sincère à la fois pour cela. Grand scrutateur de l’âme féminine devant l’Eternel, il en décrit les méandres dans ce tapis de notes.
Comme son compatriote hongrois György Ligeti qui fut chef de chœur, lui aussi aime la voix et la sert à merveille sans l’entraîner sur des sentiers trop escarpés. Il dit tout avec son quatuor vocal ! La langue anglaise utilisée ici le fait pencher parfois du côté du Britten des opéras de chambre. Mais à d’autres moments qui ne sont pas les moins savoureux et les moins réussis, les notes d’Eötvös font entendre une prosodie nippone à travers les phonèmes anglais. On touche là à l’union la plus inouïe et la plus profonde à la fois des arts d’Orient et d’Occident. Rarement, on est allé aussi loin dans l’interpénétration. Mais tout cela n’est perceptible que grâce à l’excellence des interprètes, en tête Mireille Delunsch, décidément une très grande dame du chant, qui sait d’ailleurs ne pas écraser ses partenaires, mais au contraire les hisser à son niveau. Il s’agit de la soprano néerlandaise Ilse Eerens, de la mezzo allemande Salomé Kammer et du baryton hollandais Peter Bording. Eötvös a inscrit un nouveau chef-d’œuvre à son catalogue.
Jacques Doucelin
Peter Eötvös : Lady Sarashina, Opéra de Lyon, 4 mars 2008 (création mondiale), prochaines représentations les 7, 11, 13 et 16 mars 2008.
Programme détaillé de l’Opéra de Lyon
Photo : Opéra de Lyon
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