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La Chronique de Jacques Doucelin - L'exemple vient des régions
Nous avons déjà souligné ici cet étrange paradoxe : c'est précisément au moment où partout dans l'Hexagone la musique dite classique a le vent en poupe (les abonnements aux concerts symphoniques explosent de Lyon à Strasbourg ou à Toulouse) et où la qualité des jeunes instrumentistes a largement atteint le niveau international que nombre d'institutions qui assurent le maillage musical du pays sont menacées par les retards, voire les diminutions des subventions. A part quelques phares, souvent « parisiens » reconnaissons-le, comme l'Opéra de Paris, l'Opéra Comique, le Festival d'Aix, la plupart des manifestations estivales et beaucoup de nos théâtres lyriques régionaux doivent revoir leur programmation à la baisse de façon drastique.
Au moment de partir en vacances, voici pourtant un exemple qui va heureusement dans le sens opposé, c'est à dire dans le bon sens. Je veux parler de l'inauguration, le 6 septembre, de deux nouvelles salles au centre de la bonne ville de Poitiers, capitale de l'art roman, du chabichou et de la région Poitou-Charentes. Ce fut un accouchement long à défaut d'être vraiment difficile que celui du TAP, « Théâtre et Auditorium de Poitiers ». Les Poitevins ne sont certes pas des rapides: ils ont toujours pris le temps de la réflexion et ce depuis l'occupation romaine qui fit de ce promontoire gaulois entre deux rivières la capitale romaine de l'Aquitaine.
Ils auraient pu se contenter de refaire à neuf l'horrible bâtisse de béton qui remplaça dans les années 50 le vieux théâtre du XIX è siècle sur la place principale de la ville. Heureusement, la région, soucieuse de donner un toit où se produire aux trois formations musicales qu'elle subventionne, l'Orchestre des Champs-Elysées de Philippe Herreweghe, celui de Poitou-Charentes confié à Jean-François Heisser et, pour la musique contemporaine, Ars Nova créé par Marius Constant et dirigé par Philippe Nahon, insista pour la construction d'un Auditorium voué à la seule musique. Comme il fallait bien loger la Scène Nationale d'origine, le Centre dramatique et trois compagnies en résidence, force fut bien de lui adjoindre une seconde salle avec cage de scène et fosse d'orchestre pour accueillir les pièces, les ballets et les opéras.
Le résultat signé de l'architecte portugais Joao Luis Carrilho de Graça consiste en deux parallépipèdes recouverts d'écailles de verre formant un mur d'images, qui dominent le versant ouest du plateau calcaire au dessus de la gare. Leur forme géométrique s'inscrit sans problème entre les grands bâtiments de la Banque de France et de la Préfecture. L'acousticien Daniel Commins a soigné l'isolation pour permettre que les deux lieux fonctionnent simultanément. Pour l'Auditorium de 1021 places, il a refusé le béton au profit du bois du plafond au plancher horizontal. Le pourtour est en bois également et percé de 52 portes. 722 places pour le théâtre conçu comme une conque qui focalise le regard sur le plateau. La visite du chantier en voie d'achèvement est pleine de promesses... tenues.
En effet, le maire socialiste de Poitiers Alain Claeys se plait à souligner l'heureuse collaboration entre Etat et collectivités publiques tant pour le financement du chantier d'un montant de 56 280 000 euros que pour l'attribution des subventions de fonctionnement de ce nouvel outil. Depuis l'ouverture du chantier en 2004, les aides publiques à la Scène Nationale poitevine se sont régulièrement accrues jusqu'à atteindre leur point d'équilibre pour l'ouverture de la prochaine saison. C'est donc un exemple à méditer, et à suivre, pour tous ceux qui songent à construire des équipements neufs pour le spectacle vivant. Les utilisateurs ont visiblement été consultés. Ce qui a abouti à la construction de trois salles de répétition où l'on peut même envisager d'accueillir du public, ainsi que des loges d'artistes dignes de ce nom. Allons, le pire n'est jamais sûr!
Jacques Doucelin.
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Photo : DR
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