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Auberive - Compte-rendu : Festival de l’Abbaye - Passions conjuguées
Il y peu de temps encore l’Abbaye d’Auberive (un village d’un peu plus de deux cents âmes, dans la Haute Marne, à 25 km. de Langres et 60 km. de Dijon) était la propriété de l’entreprise Solvay qui, depuis 1960, y organisait les colonies de vacances des enfants de son personnel. Les « jolies colonies de vacances » n’ont plus succès de jadis et le domaine d’Auberive a été mis en vente en 2004. Industriel et féru d’art contemporain, Jean-Claude Volot (photo) recherchait depuis longtemps un cadre susceptible d’accueillir sa superbe collection (art brut, art singulier, expressionnisme). Coup de foudre que sa découverte de l’Abbaye d’Auberive ! Un lieu dont l’histoire commence au XIIe siècle, qui a pris son apparence actuelle au XVIIIe siècle, et devint en 1856 une prison pour femmes – où Louise Michel fut détenue de 1871 à 1873, avant sa déportation en Nouvelle Calédonie.
Menés tambour battant, les nécessaires travaux ont été accomplis, et les œuvres de Chaissac, Music, Arickx et autres créateurs qui font l’identité de la collection de J.C. Volot ont trouvé leur place dans les pièces de l’Abbaye, devenue un centre d’art contemporain ouvert au public.
Egalement passionné de musique, Jean-Claude Volot a lancé dès 2004 un festival dont la violoniste Marianne Piketty et le chef d’orchestre Pierre-Michel Durand assurent la direction artistique depuis 2005. Sous-titrée « le violon dans un courant d’art », la manifestation ne fait pas mystère de son penchant pour les instruments à archet, dans le domaine chambriste aussi bien que symphonique.
Introduite par une savoureuse conférence de Frédéric Lodéon consacrée à Dvorak , le samedi du second week-end du festival offre une belle illustration de l’esprit d’Auberive. « Drôles de dames » : l’original programme de Marianne Piketty, Emmanuelle Bertrand et Marie-Pierre Langlamet consiste pour l’essentiel en transcriptions pour harpe et violon et/ou violoncelle. Franche réussite que l’arrangement (signé M. P. Langlamet) de la Sonate pour violoncelle et piano de Debussy dont la harpiste du Philharmonique de Berlin exalte avec la complicité d’Emmanuelle Bertrand le caractère rêveur et fantasque. L’art de la nuance s’exprime par ailleurs, et de manière infinitésimale souvent, dans la seule œuvre originale du programme, Night time de l’Américain Sebastian Currier (une réalisation de 1998), où la sonorité lumineuse et délicate de la violoniste fait merveille (une mention particulière pour le Starlight conclusif). A côté de ces atmosphères oniriques, le lyrisme onctueux des Pièces op 83 n°1, 2 et 5 de Bruch et celui, fervent, des Phantasiestücke op 73 de Schumann créent un contraste bienvenu, tout comme la Suite populaire espagnole de Falla, menée avec un solaire aplomb par M. Piketty, ou le fameux Liber Tango de Piazzola qui permet à nos trois dames de conclure dans une contagieuse ivresse.
Les imprévus font partie du fonctionnement d’un festival et c’est la violoniste Amanda Favier qui remplace Pierre-Olivier Queyras, empêché, lors du concert du soir. Fraîcheur et amicale complicité dominent l’interprétation du Trio à cordes n°2 de Schubert où Amanda Favier, Christophe Gaugué et Emmanuelle Bertrand se régalent d’une œuvre délicieuse, bien éloignée de la noirceur que l’on associe souvent à son auteur. Le clarinettiste Nicolas Baldeyrou et Marianne Piketty se joignent ensuite à leurs collègues pour un Quintette op 115 de Brahms, mené avec souplesse, allant et ferveur.
Les soirées sont fraîches en Haute Marne : on moment de l’entracte les musiciens invitent les auditeurs à quitter le cloître et son chapiteau pour la chapelle où les attend le Quatuor « Américain » de Dvorak. Celui-ci achève de les réchauffer par l’engagement des quatre archets mais aussi un souci d’équilibre qui conduit à ne jamais sacrifier le détail à l’énergie du propos.
Le Festival d’Auberive 2008 vient de s’achever. Vous pouvez patienter jusqu'à juillet 2009, ou prendre dès à présent le chemin de l’Abbaye pour découvrir une collection étonnante, mais aussi une région souvent méconnue, qui mérite le détour. Une idée toute trouvée pour vous mettre au vert le temps d’un week-end !
Alain Cochard
Festival de l’Abbaye d’Auberive, 12 juillet 2008. Infos : www.abbaye-auberive.com
Photo : DR
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