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Montpellier - Compte-rendu : Petits et Grands Maîtres
Quel joli pied-de -nez, pour ne pas utiliser de mot plus cinglant, vis-à-vis de ceux – auditeurs mais surtout organisateurs de concerts - qui il n’y a pas si longtemps encore snobaient copieusement l’un des plus immenses pianistes de notre temps, que les deux triomphes remportés par Aldo Ciccolini à Montpellier cet été… Invité du Festival de Radio France pour une série de masterclasses, il y a ensuite donné un récital et un concert avec orchestre.
Le premier démontre qu’à quatre-vingt trois ans, la curiosité d’Aldo Ciccolini n’est en rien émoussée. Aux côtés de la rare Sonate en sol mineur, op 34 n°2 (1795) de Muzio Clementi, qu’il possédait déjà à son répertoire, le pianiste à en effet monté spécialement pour cette soirée montpelliéraine la monumentale Sonate en la bémol majeur op 7 de Carl Czerny (une partition en cinq mouvements qui frôle la quarantaine de minutes !).
Passionnante expérience que la confrontation de ces deux opus : elle démontre que ces auteurs ne se réduisent pas à des recueils d’exercices et que leurs œuvres ont marqué l’histoire de la musique. Les trouvailles de ceux que l’on nomme les « petits maîtres » fécondent souvent le génie ; celles de Clementi et de Czerny ne sont pas restées sans écho chez Beethoven. On en prend conscience en entendant Ciccolini exacerber les rythmes de la sonate de Clementi, libérer la tendresse rêveuse de son mouvement lent ou encore en le suivant dans l’impressionnante partition de Czerny.
L’œuvre date de 1810 et l’on ne peut que songer au dernier mouvement de la Hammerklavier (1817-1819) confronté au complexe Capriccio fugato qui la referme… Surtout quand un interprète s’y engage avec la même conviction que s’il jouait l’Opus 106. Mais la chose n’est pas pour étonner venant d’Aldo Ciccolini… Beethoven occupe la seconde partie du récital avec les Sonates « Clair de lune » et « Waldstein ». Rarement il nous a été donné d’entendre un Op. 27 n°2 d’une telle homogénéité et richesse poétique. Quand d’autres ne songent qu’à cavaler presto dans le mouvement final, Ciccolini se souvient d’abord de la nuance agitato indiquée par l’auteur et la technique ne se fait plus que voix de l’âme. Quant à la Sonate n°21, l’instrument y est génialement transcendé, aboli a-t-on presque envie d’écrire, dans une interprétation synonyme de lumière, d’enivrante vibration des timbres. Autant dire que le pianiste touche au cœur même de la sonate probablement la plus moderne de Beethoven.
Deux jours plus tard, Aldo Ciccolini est de retour sur la scène du Corum, en compagnie de l’Orchestre de Montpellier et de Lawrence Foster. Original et passionnant programme que celui consistant à encadrer le trop rare opéra en un acte Mozart et Salieri de Rimski-Korsakov par deux concertos de Mozart, le 23e en la majeur et le Concerto n°20 en ré mineur. Dans une entente parfaite avec un chef qu’il estime profondément, Ciccolini parvient à un résultat tout simplement miraculeux de simplicité et de poésie. Quel leçon de style – mozartien bien sûr, mais de style tout court d’abord – que la lumineuse tendresse du Concerto n°23. Côté orchestre, ce ne sont pas quelques peccadilles aux vents qui peuvent gâcher notre plaisir. Foster a certes du travail à accomplir avec la phalange dont il prendra officiellement la direction l’année prochaine, mais on sent déjà sa marque – le plaisir, l’envie des musiciens de jouer sous sa baguette. Le Concerto en ré mineur confirme cette belle complicité, tandis qu’Aldo Ciccolini défend une approche sombre et urgente à souhait, aussi noble que dépourvue du dramatisme un peu forcé auquel cette œuvre prête parfois.
Alain Cochard
Montpellier, Festival de Radio France, les 24 et 26 juillet 2008 !
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Photo : DR
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