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La Chronique de Jacques Doucelin - Le temps des ego est révolu
Nous avons eu l'occasion à plusieurs reprises de rendre hommage aux institutions régionales tout cet été. Dans la dernière chronique, nous avons même souligné l'esprit de curiosité et d'aventure de certains directeurs d'Opéras. Nous nous sentons d'autant plus libre de dénoncer les faiblesses qui nous ont sauté aux yeux en regardant de près le détail de leurs programmations respectives. Nous avons beau aimer Puccini et sa Tosca : trois mises en scène différentes sur trois scènes françaises ne nous paraissent pas défendables dans la situation financière où se trouve actuellement le pays. Il n'est pas question de politique, mais de saine gestion du produit des impôts des Français, au niveau national l'Etat participant tout de même au subventionnement des scènes lyriques de province, mais aussi au niveau local les taxes locales abondant également les déficits normaux des entreprises culturelles. Encore faut-il rester dans des limites raisonnables...
Une mise en scène, un décor à Nantes, d'autres à Tourcoing, d'autres à Bordeaux! Il n'y a certes pas de rentabilité financière au sens comptable du terme pour les activités artistiques, si ce n'est justement le nombre de spectateurs et d'auditeurs, qui seul peut justifier aux yeux des citoyens la dépense. Chacun sait parfaitement aujourd'hui que les spectacles doivent désormais impérativement tourner, même si cela se heurte parfois à des données techniques comme la compatibilité difficile d'une scène à l'autre. Mais cela se prévoit et se discute entre responsables de Théâtres lyriques. Ces Messieurs Dames disposent d'une Chambre syndicale des directeurs d'Opéras. Ils ont tout de même des ordinateurs! Ils doivent pouvoir communiquer à défaut de se parler.
Car trop souvent, les difficultés techniques ne sont que le paravent qui cache des ego démesurés. On veut se faire valoir auprès des élus locaux, quand on ne pousse pas tout bonnement les feux de sa carrière hexagonale; voire européenne pour quelques uns, c'est à dire « être le seul à faire cela, être seul maître à bord, être original à tout prix. » Oui, mais le prix est désormais trop élevé. D'ailleurs, les élus la plupart du temps ignorent, car ils ont autre chose à faire, la programmation de leurs collègues dans l'Hexagone. Je vous parlais de la malheureuse Tosca. Son cas n'est pas unique: Nice et Avignon se « paient » chacun leurs Contes d'Hoffmann... alors qu'une excellente production du chef-d'oeuvre de notre cher Offenbach va tourner en France grâce à « Opéra Eclaté »: alors Messieurs, il faudrait peut-être se téléphoner, s'envoyer des mails au lieu de se cacher la tête dans le sable en se disant : « Personne ne verra rien... » Tu parles! Arrive toujours le moment où une chambre des comptes régionale y met son nez : après tout, c'est son boulot !
En cherchant bien, on doit même pouvoir trouver encore quelques inspecteurs (?) du lyrique dans les combles de la Direction de la musique. C'est à eux de surveiller ce genre de doublons et autres triplons, puis de les sanctionner, par exemple en réduisant la subvention de l'Etat à telle ou telle institution. Tiens, j'avais laissé passer deux Don Giovanni à Rouen et à Rennes ! Bref, si vous voulez sauver vos fauteuils, vos postes et vos carrières, il faut coopérer avec vos collègues, c'est à dire coproduire un pourcentage significatif de vos nouveaux spectacles. Cela n'empêche nullement vos chefs et vos orchestres de se glisser dans cette chaîne d'union vertueuse: si vous accueillez les autres, ils vous accueilleront. N'ayez pas peur, comme dit l'autre...
Jacques Doucelin
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Photo : DR
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