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Paris - Compte-rendu : Armide ?
Voilà, la vie c’est comme cela. On rêve de quelque chose, et ce rêve se réalise. Les concepteurs du programme vendu pour les représentations d’Armide ont eu tort d’y glisser des photos de l’inoubliée production d’Atys (trois et aussi le frontispice du programme, mais cela suffit) où Jean-Marie Villégier réinventait tout un théâtre des émotions nourri à un vrai souci philologique.
Tout autre chose que le « so chic » et les médiocres facilités que Robert Carsen veut nous vendre en place d’une Tragédie Lyrique….d’ailleurs est-ce encore du Carsen ? Les touristes d’un prologue ridiculement distancié et qui du coup tourne encore plus à vide, appartiennent à la maison d’en face, celle de Laurent Pelly, la haine et son cortège modérément travelotisés semblent échappés de quelques messes noires dont Pierre Audi a le secret. Si, c’est du Carsen, par le chic des décors et le glamour des éclairages, la passion du petit personnel – gardien et conférencières de musée – la redondance des effets – ce sommeil de Renaud enseveli de fleurs et encore et encore des fleurs – l’érotisme tranquille si nécessaire (séduction sans danger pour le Chevalier danois et Ubalde).
Mais est-ce Armide ? Le parti d’en rire qui monopolise trop uniment le Prologue et le IV fatigue, une part du spectacle envahissant la salle et polluant la musique, le I, faible, ne se trouve pas, ni de rythme ni d’expression et ici la direction un peu survolée de William Christie est aussi à incriminer, au II toute la magie du sommeil est envahie par un ballet redondant qui meuble mais ne raconte rien.
C’est le grand problème d’Armide, les espaces de divertissement, si on ne veut pas les considérer avec le souci philologique de restaurer un certain art de danser, devraient au moins servir à enrichir la narration, plutôt que de s’égarer dans une pseudo-chorégraphie. On ne croit pas un instant au III, avec sa Haine plutôt gentille qui transforme ses esprits infernaux en séducteurs partouzeurs. Reste le V où soudain Carsen se refait directeur d’acteur. Alors la Tragédie reparaît, dite, portée, s’incarnant naturellement. Armide meurt et crac, les touristes reviennent, massacrant en une seconde toute l’émotion qu’on avait enfin trouvée. Sacrilège d’un metteur en scène qui, parce qu’il tient à sa petite idée, assassine son vrai travail.
Musicalement aussi on est resté déconfit : le peu que Renaud a à chanter indique que Paul Agnew n’a pas la voix du redoutable chevalier, Nathan Berg charbonne un peu trop son Hidraot, les hautes-contre (le Chevalier, l’amant heureux) sont parfaits mais assez anonymes, Laurent Naouri peine dans la tessiture basse de la Haine, les confidentes d’Armide sonnent un peu pointu, mais une mention spéciale pour Marc Mauillon, Ubalde et Aronte impeccables.
Et Armide ? Stéphanie d’Oustrac n’a pas exactement la voix de bas-dessus voulue par Lully, mais on ne peut pas la charger, elle est Armide, et même plus l’amoureuse que la magicienne, ce qui donne à son personnage un degré supplémentaire de séduction qui dépasse ses simples appâts physiques. D’où vient que Les Arts Florissants jouent si peu ensemble ? Soir de première, cela se fera, mais le spectacle lui, débattu entre sifflets et bravos, ne changera pas son pelage.
Jean-Charles Hoffelé
Jean-Baptiste Lully, Armide, Théâtre des Champs-Elysées, le 8 octobre, puis les 10, 12 14, 16 et 18 octobre 2008.
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Photo : DR
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