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Paris - Compte-rendu : Saison Classica Luna - Ouverture latino-américaine


Le temps du succès international est venu pour Wilhelm Latchoumia. Tout juste rentré de Corée où il avait participé à une Turangalîla-Symphonie, le lauréat du 7e Concours de piano XXe siècle d’Orléans (2006) était au rendez-vous de la soirée inaugurale de la saison Classica Luna, dans la belle acoustique de la chapelle des Récollets. Synchronisation parfaite : au moment où paraît le premier enregistrement de Latchoumia pour RCA(1), son concert parisien lui donnait l’occasion de se faire entendre dans un programme ensoleillé, presque identique à celui d’un disque entièrement dédié à la musique latino-américaine.

Retour de Corée ? On ne décèle cependant pas la moindre trace de jet lag sur le jeu toujours aussi « pêchu » du jeune artiste français. A peine assis au clavier, le voilà déjà lancé avec un formidable appétit dans le Cycle brésilien d’Heitor Villa-Lobos – une composition, désormais fétiche, qui figurait dans son programme au Concours d’Orléans. Si elle fait entendre une inspiration résolument singulière, l’écriture pianistique du Brésilien s’est à l’évidence nourrie des exemples de Debussy et Stravinski - de celui de Rachmaninov sans doute aussi. Amour du timbre, palette de couleurs très vaste, irrésistible énergie, mise en valeur d’une foisonnante polyphonie : Latchoumia témoigne d’une compréhension intime du Ciclo brasileiro et d’une façon plus générale d’un auteur trop méconnu dont il joue en outre des extraits de A Prole do Bébé (parmi eux le coruscant Polichinelle, enlevé avec une rare maestria !), A Lenda do caboclo et enfin A Tres Marias – trois petits joyaux d’inspiration … astronomique ! –, d’une scintillante fraîcheur.

Artur Rubinstein regretta sur le tard de ne pas avoir assez défendu la musique de son ami Villa-Lobos … On se réjouit qu’un jeune interprète s’écarte des chemins balisés et aborde les œuvres de l’Indien Blanc (2) avec autant de sensibilité et de tels moyens techniques (il est fin prêt pour le tellurique Rudepoema ; puisse-t-il vite s’y confronter !). Nul exotisme facile sous les doigts de Latchoumia, mais une vitalité et une vibrante poésie que l’on savoure par ailleurs dans les œuvres de Camargo Mozart Guarnieri (1907-1993), l’autre auteur brésilien du récital (Ponteio nos 30 & 49), ou, par sa partie argentine, dans le tendre Bailecito de Gustavino et les fameuses Danzas argentinas de Ginastera.

Soirée inaugurale totalement réussie donc pour la saison Classica Luna qui, d’entrée de jeu, manifestait sa confiance envers la jeune génération. Les concerts à suivre ne démentent pas cette orientation puisque Measha Brueggergosman(20/10), Vanessa Wagner (17/11), le Trio Talweg (15/12), Sonia Wieder-Atherton et l’Ensemble Niguna (2 et 9/03/2009), Le Quatuor Debussy (6/04/09) et enfin l’éclectique Francesco Tristano-Schlimé (15/06/09) sont à l’affiche (non plus aux Récollets mais au Théâtre de l’Atelier), dans des programmes toujours très originaux. Une salutaire bouffée d’air frais ; et une courageuse initiative privée !

Alain Cochard

Maison de l’Architecture, Chapelle des Récollets, le 15 octobre 2008. Classica Luna, infos : www.madamelune.com.

(1) « Impressões », 1CD RCA 88697 373402. Un enregistrement réalisé entre autres avec le soutien de Piano à Lyon, saison dans la cadre de laquelle Latchoumia se produit d’ailleurs le 12 décembre prochain à la salle Molière (www.pianoalyon.com)

(2) Ainsi se désignait Villa-Lobos, né d’un père d’origine espagnole et d’une mère indienne. Intitulée Danse de l’Indien Blanc, la dernière partie du Cycle Brésilien est un autoportrait de celui que Florent Schmitt décrivit comme « un jeune trois-quarts de dieu aux dents de crocodile et aux yeux de radium ».

Les prochains concerts au Théâtre de l’Atelier

Voir une vidéo de Wilhem Latchoumia

Photo : DR

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