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Paris - Compte-rendu : Deux pianistes en quête d’absolu
Les deux intégrales proposées à la Cité de la musique par François-Frédéric Guy à l’assaut une semaine durant des 32 Sonates de Beethoven et par Alain Planès, alchimiste des sons de la musique pour piano de Debussy, semblent vouloir confronter deux mondes que tout oppose. La durée de l’enjeu n’est pas comparable (neuf concerts pour Beethoven, quatre pour Debussy), mais la densité dépasse le simple calcul. Dans l’un et l’autre cas, les interprètes doivent outrepasser leurs propres limites pour atteindre l’inouï.
François-Frédéric Guy n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il avait déjà donné la même intégrale à Monte-Carlo quelque temps auparavant en un délai encore plus bref. Sa conception des Sonates de Beethoven vise à la grandeur – celle dont parlait Romain Rolland – et trouve davantage son aboutissement dans l’op 106 « Hammerklavier », les op 109, 110 et 111 où la maîtrise de l’architecture et de la pâte sonore atteint son expression la plus achevée. Dès les premières Sonates, l’affirmation de sa volonté laisse entendre la détermination du pianiste moins à l’aise dans l’op 27 n°1 « Quasi una fantasia », l’op 78 « À Thérèse » ou encore de l’op 79 « Alla tedesca », plus libres et fantasques d’esprit. François-Frédéric Guy qui joue de mémoire cet « alpha et oméga » du clavier réalise une véritable performance avec plus de hauts que de bas, privilégiant la clarté du timbre, la dichotomie des contrastes avec une homogénéité d’ensemble qui prend ses distances vis-à-vis de l’évolution chronologique (celle qui court des premières sonates, haydniennes de ton, aux dernières, proches de l’impalpable).
Dès le départ, Beethoven est déjà dans Beethoven (un peu à la manière de Pollini) et le sérieux l’emporte sur le clin d’œil (si présent avec Brendel). Le piano, toujours puissant et contrôlé jusqu’au moindre paramètre, n’interdit pas la poésie (Sonate n°7, Sonate n°8 « Pathétique »). L’expérience aidant, François-Frédéric Guy mûrira sa conception, mais les fondements de cette vision héroïque et engagée laissent déjà entendre une manière personnelle d’une grande humilité. L’aventure sans nul doute méritait d’être vécue et sera répétée à Washington en février prochain.
Alain Planès, en un week-end, brosse sur un piano Bechstein 1920 aux sonorités ambrées et mordorées un univers bien différent qu’appelle d’ailleurs la musique de Debussy. La technique peut se révéler moins éclatante et comme à l’accoutumée, le soliste ne quitte pas des yeux ses partitions à la manière d’un Richter. Pourtant, derrière les apparences, se cache une imagination insoupçonnée (Images, Suite Bergamasque) ainsi que des trésors de poésie enfouis derrière les notes (Estampes). Loin de l’abstraction picturale, Alain Planès fait montre d’humanité à fleur de peau y compris dans les sculpturales Etudes, si redoutées. On comprend, face à une telle élégance et à une telle simplicité, qu’il ait pu être si proche de Rudolf Serkin au Festival de Marlboro.
Michel Le Naour
Cité de la musique, du 10 au 17 octobre 2008
Programme détaillé de la Cité de la musique
Photo : DR
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