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Paris - Compte-rendu : Irrésistible Joyce DiDonato
Quelques mois après un mémorable Romeo (Capuleti e i Montecchi de Bellini) à la Bastille et un splendide récital à Favart, Joyce DiDonato a enflammé la Salle Pleyel avec un programme tout entier dédié à Haendel. Pour ceux qui avaient applaudi sa Dejanira (Hercules) à Aix et à Garnier, l’attente était redoublée par la parution simultanée d’un remarquable album chez Virgin(1).
Face à un tel déferlement de virtuosité, d’intensité dramatique, d’émotions et de facilité, les mots viennent à manquer. La cantatrice pourrait se contenter de n’être qu’une technicienne superbement douée – nous en avons connu – exécuter sans faiblir ces airs de « fureur » avec aplomb et laisser l’auditeur K.-O. ; or cela ne lui suffit pas. Joyce DiDonato possède l’endurance, l’énergie et le bagage musical qui lui permettent de maîtriser l’écriture véloce et explosive de Medea dans Teseo (« Ira, sdegni, e furore » et « Moriro, ma vendicata ») ou de Tirinto dans Imeneo (« Sorge nell’alma mia »), piquée d’aigus, de sauts d’octaves, de trilles et autres grupetti. L’auditeur suit alors avec délice ce chant urgent, fiévreux, ces paroles vindicatives, se laissant griser par tant d’adresse et d’expressivité.
Mais cela n’est pas tout, car la chanteuse est également une interprète, une musicienne qui n’oublie jamais de transmettre des sentiments et qui nourrit son chant de théâtre et d’intentions, donnant ainsi la sensation de s’ouvrir, de confier sa douleur, son ire, ou son effroi à celui qui l’écoute. Aussi beau qu’au disque – et c’est un tour de force ! – son « Scherza infida » (Ariodante), archet à la corde, à la fois dense et retenu à un fil, comme prêt à tout moment à se rompre, a bouleversé l’auditoire.
Portée par la direction sensible et ciselée de Christophe Rousset à la tête des Talens Lyriques, la mezzo américaine retrouvait en fin de concert la troublante Dejanira et sa langue anglaise subtilement déployée, d’abord avec le lamento du second acte « Cease, ruler of the day, to rise », d’une plaintive détresse, suivi par « Where shall I fly » (acte 3), morceau de bravoure réalisé avec une adresse impressionnante et une inspiration sans cesse relancée.
Acclamée comme il se doit après pareille performance, par une salle en liesse, Joyce DiDonato a offert deux bis particulièrement bienvenus, « Ombra mai fu » extrait de Serse, au legato soyeux, puis le célèbre et redoutable « Dopo notte » d’Ariodante, dernière contribution au chant orné dont Haendel demeure l’un des maîtres incontestés.
François Lesueur
(1) « Furore », 1 CD Virgin (5 19038), avec Les Talens Lyriques, dir. C. Rousset.
Salle Pleyel, 10 décembre 2008.
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Photo : DR
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