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Paris - Compte-rendu - Conversation sensible
Point d’orgue de l’année Messiaen et jour-anniversaire de la naissance de l’artiste, le 10 décembre était particulièrement riche en hommages à l’auteur du Catalogue d’oiseaux. Etroitement associé à ce dernier depuis ses débuts, Roger Muraro ne pouvait être absent de la fête et a salué la mémoire du compositeur d’une manière aussi personnelle que pertinente. A un récital tout Messiaen, il préfère ce qu’il définit comme « une conversation sensible, intime, entre Messiaen, Mozart, Chopin, Liszt ou Debussy » - autant dire entre des maîtres coloristes.
Rompu à l’interprétation des œuvres de Messiaen (on l’a vu donner les Regards au pied levé à La Meije l’été passé), Muraro a montré une aussi formidable aisance que de coutume dans deux extraits des Petites Esquisses d’Oiseaux, Cloches d’angoisses et larmes d’adieu (le 6ème des Préludes de 1929) ou deux Regards (Le Baiser de l’Enfant Jésus, Regard de l’Esprit de joie). Cette musique, en 2008 tout particulièrement, est le pain quotidien de l’interprète, mais rien dans son approche ne laisse percevoir la moindre trace d’habitude, d’accoutumance, de routine. L’émerveillement demeure intact et c’est toujours avec la même jubilation, la même fraîcheur que Muraro brasse et fait miroiter les couleurs des partitions. Pas avec deux mains, mais avec dix doigts : cette maîtrise parfaite de chaque fil du tissu musical l’autorise à faire sonner la musique avant autant de relief que d’intelligence poétique.
La conversation sensible, intime est aussi celle de l’interprète avec chacun des auteurs qu’il aborde. Quel régal que le bonheur un peu coquin avec lequel le pianiste cisèle les Variations « Ah, vous dirai-je maman » de Mozart. On ne résiste pas plus aux coloris subtils, à la fluidité des Reflets dans l’eau de Claude de France. Avec Chopin et Liszt, le récital atteint ses deux moments les plus originaux. On n’est pas près d’oublier une Barcarolle exempte de tout miasme, éclaboussée de lumière ou encore Après lecture du Dante. Plus que sur l’exacerbation des contrastes, Muraro mise sur la diversification des éclairages, l’exaltation des timbres. La lecture est achevée : un songe poétique la prolonge. Magique !
Alain Cochard
Théâtre des Champs-Elysées, 10 décembre 2008
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Photo : DR
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