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Paris - Compte-rendu : Il y a russe et russe !
Semaine archi-russe au Théâtre des Champs-Elysées qui vient d'afficher deux jours de suite deux chefs russes de la jeune génération : Yakov Kreizberg à la tête de l'Orchestre National de France et Vladimir Jurowski avec son Philharmonique de Londres à l'invitation des Productions Albert Sarfati. Ce fut pourtant le jour et la nuit ! Et pas seulement en raison des programmes. Le premier d'entre eux était entièrement slave avec Carnaval, brillante ouverture de concert de Dvorak, qui explique que le chef ait remporté le Prix Stokowski, le musicien de Fantasia : technique irréprochable et fortement expressive. Ça ne suffira pas à donner beaucoup de vie au Concerto n°2 pour violon de Prokofiev joué a minima par sa compatriote Viktoria Mullova qui illustre toujours le vers de Baudelaire: « Tu es belle, ma beauté, comme un rêve de marbre... » En seconde partie de soirée, la 2e Symphonie de Rachmaninov (dans sa version intégrale), bien longue malgré l'aspect technicolor clinquant qu'elle revêt ce soir-là. L'orchestre fait bien ce qu'on lui demande.
Toute autre atmosphère le lendemain avec Jurowski (*). Pourtant, le 2e Concerto pour piano de Brahms sous les doigts caressants, mais peu sonores de Nicholas Angelich ne laissera pas de souvenirs impérissables. Cet excellent musicien était dans un jour plutôt « musique de chambre » : d'où son parfait duo avec le violoncelle solo. Mais les deux premiers mouvements, plutôt vifs, nous ont laissé sur notre faim avec ces traits assourdis par l'excès de feutrine aux limites de l'audible. Bref, un Brahms diaphane en contradiction avec sa nature profonde.
Superbe Andante, en revanche, comme on peut l'imaginer, pensif et harmonieux à souhait. Le Finale est certes gracieux, mais le soliste le ramène à Mozart. Tout au long de l'oeuvre, l'orchestre fait patte de velours pour ne pas risquer de couvrir le piano.
Le concert ne commença donc vraiment qu'après l'entracte avec une Pathétique de Tchaïkovski comme on n'en entend pas tous les jours : quel dramaturge est ce chef ! A à peine plus de trente ans, il rejoint sur les sommets les Karajan et les Abbado. Avec la plus incroyable économie de gestes, qui témoigne au demeurant de son degré de complicité avec les musiciens, il déroule devant nous le sinistre rituel de mort que constitue cette symphonie - « Marche au supplice » eût dit Berlioz.
Il ne pèse jamais, mais l'accent est toujours de la plus infaillible justesse – je pense aux extraordinaires pizzicatti des contrebasses qui rythment l'ultime voyage. Impossible de traduire plus fidèlement les intentions les plus secrètes d'une oeuvre testament.
Jacques Doucelin
Théâtre des Champs-Elysées, les 11 et 12 décembre 2008
*Le second concert sera retransmis par France Musique, le 24 janvier 2009 à 13 heures.
> Programmation détaillée du Théâtre des Champs-Elysées
Photo : DR
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