A trente-trois ans, le chef québécois Yannick Nézet-Séguin, est une étoile montante de la direction d’orchestre. Outre son activité à la tête de l’Orchestre Métropolitain du Grand Montréal, il assure les fonctions de Chef principal invité au Philharmonique de Londres et vient de succéder à Valery Gergiev à Rotterdam. Sa réputation n’est pas un leurre à en juger par sa prestation au TCE avec l’Orchestre National de France. Dynamique, il insuffle à la Symphonie en ut de Bizet, composée par un jeune homme de dix-sept ans, une verve, un élan, un éclat orchestral qui va même parfois au-delà du caractère de cette œuvre aux parfums subtils mais non insistants.

Le Concerto pour la main gauche de Ravel, sous les doigts de Boris Berezovsky, est d’acier trempé avec une distanciation volontaire. Il semble prendre pour argent comptant la vision guerrière, belliqueuse, sans états d’âme de cette partition rageuse, désespérée, au détriment de sa puissance expressive. L’impressionnante maîtrise technique, alliée à un accompagnement nerveux et péremptoire, convainc sans séduire, mais le public est enchanté qui applaudit à tout rompre - la dernière section de l’ouvrage est reprise en bis.

En deuxième partie, La Tragédie de Salomé, op 50 de Florent Schmitt (1870-1958), bien moins connue que les œuvres précédentes, retrouve ses lettres de noblesse, sous la baguette claire et précise de Yannick Nézet-Séguin (photo). Créée en 1909, elle ne doit qu’au relatif oubli dans lequel est tombé le compositeur (des propos antisémites y sont peut-être pour quelque chose) le peu d’intérêt qui lui est porté au concert. Pourtant, l’opulence orchestrale, la luxuriance des couleurs, l’impact dramatique, l’orientalisme sublimé en font une partition de tout premier ordre dont Stravinsky d’ailleurs s’inspira. L’Orchestre National se déchaîne (Danse des éclairs, Danse de l’effroi) sous l’impulsion énergique d’un chef dont on n’a pas fini d’entendre parler.

Michel Le Naour

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 4 décembre 2008

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Photo : DR