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Paris - Compte-rendu : Emouvantes retrouvailles
Il y a des gestes qui ne trompent pas chez les musiciens des orchestres français: la façon dont ils se lèvent pour témoigner leur déférence à celui qui va les conduire le temps d'un concert, par exemple, ou bien encore la spontanéité non feinte avec laquelle ils l'applaudissent... ou non. Ainsi jeudi, l'Orchestre National de France retrouvait avec un bonheur évident son ancien directeur musical Kurt Masur.
On ne peut pourtant pas dire que le célèbre Kapellmeister les ait particulièrement ménagés durant son tutorat qui s'est achevé l'été dernier : une « Dressur » à l'allemande, à la fois exigeante et paternaliste. Mais qui a marqué profondément la phalange de prestige de Radio France creusant cruellement le fossé avec son challenger le Philharmonique qui, lui, n'a cessé de sombrer depuis le départ d'un autre grand éleveur d'orchestre, Marek Janowski. Eleveur signifiant celui qui mène sur les sommets....
Kurt Masur revient avec un programme russe qui lui est aussi consubstantiel que le grand répertoire germanique. C'est tout d'abord Une Nuit sur le Mont Chauve de Moussorgsky nerveuse et subtile, nettoyée des ajouts académiques et castrateurs de ce pauvre Rimsky-Korsakov. Le compositeur du Coq d'or a agi à l'endroit de son cadet comme un Castil-Blaze l'aurait fait à l'égard du dangereux révolutionnaire Berlioz, si notre Hector national n'avait toujours jalousement veillé au grain !
Suit un grand moment de musique avec les trop rares Chants et Danses de la Mort du même Moussorgski interprétés en toute complicité avec Kurt Masur par l'immense Sergei Leiferkus : la voix profonde, souple et merveilleusement homogène du baryton-basse russe met à nu l'émotion contenue dans ces quatre poèmes. Le public est bouleversé en dépit de l'absence de traduction dans le livret-programme de la soirée...
Autre rareté de ce menu si intelligemment construit par le chef, le Manfred de Tchaïkovski. Cette grande et longue Symphonie à programme constitue un véritable laboratoire, et même un réservoir de thèmes tous plus beaux les uns que les autres, pour ses grandes tragédies symphoniques encore à venir. Comme dans la première partie du concert, Masur ne sature jamais le son. Sa gestique, à la fois sobre et précise, dessine les lignes au point qu'on pense plus à une radiographie de l'oeuvre qu'à une interprétation proprement dite.
La simplicité est un art difficile, car elle laisse apparaître tous les défauts du tissu orchestral. Et ce fut la mauvaise surprise : six mois après le départ du maître, le pupitre des violons qui était l'un des meilleurs de France, se déchire déjà pour se rapprocher de celui de l'Orchestre de Paris et s'éloigner d'autant de celui de l'Opéra de Paris... Etre un vrai directeur musical d'un vrai orchestre ça n'est pas passer de temps en temps et exiger dans son contrat un budget de communication (sic !), mais être omniprésent à l'année pour faire un vrai travail de fond avec les musiciens. Vieille école ? La seule qui marche à ce jour : la preuve s'appelle Masur !
Jacques Doucelin
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 15 janvier 2009
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Photo : DR
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