Programme russe pour l’Orchestre National de France mais sans la venue de Yuri Temirkanov, remplacé par son compatriote Dmitri Liss, actuel directeur artistique de l’Orchestre Philharmonique de l’Oural. La présence du pianiste Arcadi Volodos (photo) ne permet pas de se rendre compte immédiatement des insuffisances du chef dans un Concerto n°3 en ré mineur de Rachmaninov, enlevé de main de maître par un interprète aux ressources inépuisables, en pleine possession de ses moyens, capable de passer sans coup férir de la puissance la plus torrentielle à la tendresse lyrique la plus épanouie à la façon de Cziffra dont il fut d’ailleurs le disciple. Le légendaire pianiste hongrois ne disait-il pas voir en Volodos sa propre réincarnation et celle d’Horowitz réunies ?

Accompagné d’une manière assez terne mais sans faute de goût, le soliste installe dès le départ dans l’Allegro ma non tanto une atmosphère à la manière du « il était une fois » qui a bercé notre enfance. D’entrée de jeu, la sensibilité à fleur de peau laisse présager un sens narratif qui coulera de source tout au long des trois mouvements de l’œuvre emportés par un élan irrésistible. Une telle conception, où l’intimité et la virtuosité s’entremêlent sans volonté de paraître, remet bien des pendules à l’heure.

C’est hélas le souffle qui manquera à la deuxième partie de ce concert tant Dmitri Liss, dans un répertoire qui pourtant devrait lui aller comme un gant (de larges extraits du ballet Casse-Noisette de Tchaïkovski), se révèle incapable de soulever la pâte sonore malgré une technique qui semble plus l’inhiber que l’aider. L’Orchestre National de France n’est pourtant pas en cause, qui fait de son mieux pour donner une dimension chorégraphique à cette suite orchestrale. Sous la direction de Temirkanov, il aurait sans doute atteint cette apothéose et cette féerie dont quarante minutes sans génie nous privent.

Michel Le Naour

Paris, Théâtre du Châtelet, 19 février 2009

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Photo : DR