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Compte-rendu - Eivind Gullberg Jensen et Vladimir Felstman à Pleyel - Au bonheur des remplaçants
On attendait l'Américain Michael Tilson Thomas, et c'est, après son forfait, le jeune Suédois Eivind Gullberg Jensen qui est monté au pupitre de l'Orchestre de Paris. Nul ne l'a regretté tant ce chef trentenaire symbolise la domination actuelle des écoles de l'Europe du Nord sur le monde de la musique classique. Il s'était déjà produit il y a deux ans à la tête de cette phalange après le décès d'Armin Jordan ainsi que de l'Orchestre National de France. On pense au jeune Simon Rattle lorsqu'il prit la direction du Symphonique de Birmingham, il y a un quart de siècle: même mélange de compétence et de passion. La perfection technique et la respiration large s'accompagnent ici d'une authentique humilité.
Quelle aisance devant l'orchestre ! Sans partition, il construit la 5e Symphonie de Chostakovitch de main de maître en symbiose totale avec des musiciens qui lui font fête à l'issue du concert. Avec un naturel confondant, il lève, un à un, les voiles par lesquels le grand compositeur russe a réussi à abuser, et avec le temps écoulé à ridiculiser les autorités soviétiques. Après deux premiers mouvements marqués au sceau de l'ambiguïté, le Largo s'élève comme une plainte poignante digne des choeurs de Moussorgsky, d'une absolue sincérité. Chapeau !
Aupravant, le pianiste russe Vladimir Feltsman, victime lui aussi de la dictature culturelle des années soviétiques jusqu'à ce qu'il puisse profiter de la Perestroïka pour fuir vers les Etats-Unis, a joué le 1er Concerto de Tchaïkovski. Avec une gourmandise évidente, il ne pense qu'à rattraper joyeusement le temps qu'on lui a fait perdre à Moscou: toute sa grande technique russe au vent, il se lance dans le premier mouvement tentant d'entraîner à sa suite un orchestre qui a du mal à trouver ses marques. Chacun part dans une direction qui n'est pas forcément partagée... Les choses s'arrangent heureusement dans les deux deniers mouvements où le chef rattrape les choses fournissant au soliste l'occasion de faire montre de toute sa science du piano. Il faudra en bis un superbe Lied de Schubert revu par Liszt pour étancher l'enthousiasme de la salle.
Jacques Doucelin
Paris, salle Pleyel, le 22 avril 2009
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Photo : DR
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