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Compte-rendu - Lille Piano(s) Festival - Sous le signe de Chopin
Dénominateur commun du dernier Lille Piano(s) Festival (qui se situera dorénavant au mois de juin), la musique de Frédéric Chopin ne monopolisait toutefois pas les programmes d’une manifestation qui se voulait comme de coutume une grande fête du piano dans toute la diversité des répertoires et des jeux et à laquelle le public – ne se laissant pas dissuader par les charmes d’un soleil triomphant - a répondu en masse, qu’il s’agisse de se rendre dans des lieux habituels de la manifestation ou d’en découvrir de nouveaux (la Gare Saint-Sauveur, récemment inaugurée). De format court (d’une demi-heure à une heure pour les récitals, guère plus pour les concerts avec orchestre), les propositions du Piano(s) Festival invitent à la curiosité et à la découverte.
On est ainsi séduit par le toucher richement timbré et le sens des caractères que la jeune Varduhi Yeritsyan (photo) manifeste dans la Ballade n°2 de Chopin ou la Sonate n°2 de Prokofiev, autant que l’ardeur farouche avec laquelle l’artiste arménienne emporte la Toccata de Khatchaturian ou l’Allegro barbaro de Bartok. Pleine de charme et de fraîcheur, Natalia Romanenko se distingue ensuite par la clarté et la sensibilité d’un jeu qui fait en particulier mouche dans la Sonate op 6 de Kabalevsky ou la paraphrase de Liszt sur la Marche Nuptiale de Mendelssohn que l’interprète explore avec un chic dénué de tout effet de manche. La prudence excessive et le toucher monochrome d’Edouard Stan dans des ouvrages de Chopin et Enesco nous laissent en revanche sur notre faim, mais les contrastes sont la règle dans une programmation aussi diversifiée.
On en a une autre preuve, dans un sens positif cette fois, avec le récital d’Alexandre Paley qui rassemble les Etudes Paganini de Schumann, la Fantaisie de Chopin et les Etudes Paganini de Liszt – une petite promenade de santé pour l’un des virtuoses les plus transcendants de notre époque. Héritier de la grande tradition russe via Bela Davidovitch, bête de scène au tempérament magnétique, cet artiste (né moldave et naturalisé américain) n’en est pas moins d’abord un formidable musicien. Même confronté aux plus redoutables difficultés, Paley demeure toujours dominé par le souci du chant et ne cède jamais à l’esbroufe et à la démonstration gratuite mais, avec ses expressions à la Ray Charles, sait transmettre à l’auditoire un contagieux bonheur de jouer, tandis que son piano se fait orchestre. Accueilli triomphalement par le public, il le gratifie en bis d’une splendide paraphrase de son cru sur un thème d’Offenbach et d’une Toccata de Schumann d’une enivrante vitalité. Voir la vidéo
Suite au désistement de Frank Braley, c’est à Marc Laforêt que revenait de remplacer son collègue, aussi bien dans le Concerto n°1 de Chopin donné la veille sous la direction de Jean-Claude Casadesus et auquel nous n’avons pu assister, que pour un récital que l’interprète dédiait intégralement à Chopin. Marc Laforêt est sans doute un habitué de cet auteur mais ses prestations lilloises au pied levé ne méritent pas moins d’être saluées. D’un poète et fringant Andante spianato et Grande Polonaise à un Scherzo n°2 urgent mais toujours lisible, en passant par des Ballades nos 1 et 3 vivantes et contrastées, son récital témoigne d’un bout à l’autre d’une conception de Chopin étrangère au pathos et aux pâmoisons.
Alain Cochard
Lille, Gare Saint-Sauveur, Chambre de Commerce, 13 juin 2009
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Photo : DR
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