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Jean-Louis Ollu - Un Français à Bayreuth
Trois questions à Jean-Louis Ollu, violoniste dans l’Orchestre du Festival de Bayreuth.
Depuis 1989, Jean-Louis Ollu, violoniste de l’Orchestre de Paris, participe activement au Festival de Bayreuth. Il est actuellement le seul musicien d’un orchestre français à se retrouver chaque année dans la fosse du Festspielhaus où il a vécu des expériences inoubliables. Au cours de ces décennies, il est devenu l’un des piliers de l’Orchestre du Festival de Bayreuth, y trouvant une source de renouvellement et un bonheur jamais démenti.
Que vous apporte l’Orchestre du Festival de Bayreuth dans votre vie professionnelle ?
Jean-Louis Ollu : Quand je suis arrivé au Festival de Bayreuth en 1989 sur la recommandation de Daniel Barenboïm, j’ai tout de suite été frappé par la différence d’esprit entretenue au sein d’une formation pourtant réunie uniquement l’été avec le concours de musiciens essentiellement allemands mais venus d’horizons différents. L’écoute comparable à celle propre aux musiciens de chambre, le sentiment de jouer dans une seule direction avec une stabilité rythmique tout à fait exceptionnelle m’ont d’emblée fait une forte impression. A cet égard, nulle part comme à Bayreuth, je n’ai entendu de percussionniste capable de procurer une telle impression de légèreté. La cordialité, un professionnalisme où la collectivité l’emporte sur l’individualisme, un soin apporté à la qualité de la balance ont été un sujet d’admiration dont je ne me suis pas encore remis.
Dans la fosse de Bayreuth, même quand les cuivres interviennent, tout le monde s’entend et l’essentiel n’est pas de briller, mais plutôt de faire partie d’une communauté qui cherche et trouve le meilleur équilibre. Celui qui ne se plie pas à cette forme de discipline musicale ne peut persévérer dans l’orchestre, et il arrive que même des solistes ou des chefs de pupitres, sans doute trop attachés à leur ego, ne soient pas réinvités l’année suivante malgré leur excellence instrumentale. L’organisation qui prévaut, le planning minutieusement élaboré, donnent un sentiment de sécurité et bannit amateurisme et improvisation.
Pour ma part, cette année, je participerai au moins une fois à chacune des représentations de Tristan et Isolde, Parsifal, Les Maîtres chanteurs, et bien sûr le Ring. A Bayreuth où je suis reconduit depuis 20 ans (je n’ai manqué que l’année 2000 en raison d’impératifs liés à la participation de l’Orchestre de Paris au Festival de Salzbourg), je me sens, malgré la fatigue inhérente aux conditions de travail, comme dans l’intimité d’une famille qu’il s’agisse du travail dans la fosse ou des activités privées qui accompagnent la vie du festival.
Le fait de se retrouver chaque année durant plus de deux mois à Bayreuth ne devient-il pas au fil des années une contrainte ?
J-L.O. : Je ne vis pas les choses comme cela. Bien sûr, jouer à Bayreuth nécessite une organisation, voire des sacrifices. Il faut rester concentré, jouer Wagner impose une règle de vie - la sublime campagne environnante permet de se relaxer, de pratiquer des activités sportives comme par exemple le cyclisme – et exige de se reposer durant les courts moments de repos ou les jours de relâche. Au début, il m’a fallu mettre les bouchées doubles pour acquérir les réflexes, travailler les doigtés, face à des collègues souvent expérimentés dans ce type de répertoire. Certes avec Daniel Barenboïm, nous avions eu l’occasion d’exécuter à Paris en version de concert La Tétralogie avant qu’il ne la dirige au Festival, mais je n’avais pas toute la maîtrise qu’évidemment j’ai pu acquérir au fil des saisons. A force de travail, j’ai réussi à me faire admettre par des musiciens qui, en quelque sorte, m’ont coopté. J’ai beaucoup appris et j’apprends encore au sein de cette Europe musicale que constitue l’Orchestre du Festival ; ma motivation est égale à celle du premier jour. C’est une joie pour moi de participer, en dehors des représentations des opéras, à un concert de chambre (samedi 22 août) dans le magnifique théâtre baroque, avec des membres de l’orchestre où nous aurons l’occasion de jouer entre autres : Siegfried-Idyll qui, dans ce lieu, a une forte connotation affective.
Quelle évolution percevez-vous au long de ces années ?
J-L.O. : J’ai connu des moments enthousiasmants et irremplaçables comme ce Tristan, dirigé par Barenboïm dans la mise en scène de Heiner Müller avec Waltraud Meier et Siegfried Jerusalem, ou Les Maîtres chanteurs avec Renée Fleming dans le rôle d’Eva sous la baguette de Barenboïm et une mise en scène de Wolfgang Wagner. Aujourd’hui, il y a plus de diversité et d’interrogations. Parmi les chefs d’orchestre qui subjuguent, Christian Thielemann est, sans conteste pour nous tous, le grand wagnérien par excellence. « Sa » Tétralogie est une merveille d’équilibre, de subtilité, et il sait tout autant évoquer l’épopée que le drame personnel. Avec lui, l’orchestre est littéralement porté.
Malgré des qualités indéniables, Daniele Gatti n’atteint pas le même niveau d’imprégnation dans Parsifal et Peter Schneider, très sûr, n’a pas non plus la même imagination. Avec l’arrivée de la nouvelle direction constituée des deux filles de Wolfgang : Katharina Wagner et Eva Wagner-Pasquier, on peut s’attendre à des évolutions dont il n’est pas encore possible, à l’heure actuelle, de dire avec précision de quoi elles seront faites. La dernière mise en scène des Maîtres chanteurs par Katharina a parfois été perçue comme une provocation mais le tollé à Bayreuth n’est pas nécessairement un signe à prendre négativement. Il n’est que de penser à celui provoqué par Chéreau et Boulez lors de leur premier Ring pour s’en convaincre !
Propos recueillis par Michel Le Naour, le 11 juillet 2009
Festival de Bayreuth, 25 juillet au 28 août 2009
www.bayreuther-festspiele.de
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Photo : DR
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