Le 66ème Concours Long Thibaud (session piano) n’a pas vraiment tenu ses promesses. L’absence de Premier Grand Prix est révélateur à cet égard du niveau des candidats, tous ou presque excellents techniciens, mais souvent dans l’incapacité de transmettre l’esprit au-delà de la lettre.

La Russe Maria Masycheva, 27 ans (2ème Grand Prix), a déjà à son actif un beau parcours (finaliste en 2001 à Cleveland, victorieuse à Lisbonne du Concours Vianna da Motta, Piano Campus d’argent à Pontoise en 2009), mais malgré une interprétation très vivante du Concerto pour la main gauche de Ravel et des Etudes-tableaux de Rachmaninov bien timbrées et colorées, elle se perd dans les Fantaisies op 116 de Brahms oppressées et sans style. Le Français Guillaume Vincent (3ème Grand Prix) est, à presque 18 ans, maître de ses moyens et réussit même à capter l’attention dans la fluidité des Jeux d’Eau de Ravel et à vaincre dans le 4ème Concerto de Rachmaninov l’épaisseur de l’Orchestre National de France dirigé par Didier Benetti. Ce disciple de Jacques Rouvier possède incontestablement un potentiel, certes retenu mais qui ne demande qu’à s’exprimer. Il reçoit le Prix de la Sacem pour la meilleure interprétation de l’œuvre subtile aux multiples chausse-trappes intitulée « AMA» de Philippe Leroux composée pour le Concours.

Le Chinois Yunjie Chen, 28 ans (4ème Prix), se montre habile et agile (ce qui lui vaut un Prix pour son interprétation du Rondo de Chopin et un autre pour celle de la Sonate KV 333 de Mozart). Il déçoit pourtant en final dans la Totentanz de Liszt, trop appliquée et académique. Le 5ème Prix est attribué au Japonais Takaya Sano (29 ans) qui remporte aussi le Prix du Public pour son exécution assez monolithique du Concerto n°1 de Chopin. Son jeu n’est pas dénué de qualités (Gaspard de la Nuit de Ravel, sans liberté, ménage toutefois de beaux plans sonores et la Sonate de Barber paraît très contrôlée). En revanche, la transcription par Liszt de La Mort d’Isolde est assénée, sans aucun sentiment poétique ou dramatique. Enfin, le jeune Kazuya Saito (19 ans) se perd dans le Concerto « L’Empereur » de Beethoven et son parcours est trop inégal pour lui permettre d’obtenir un Prix.

Outre ces cinq finalistes, on aura regretté que parmi les 26 candidats en compétition, le Français David Violi (27 ans) ait été éliminé en demi-finale malgré une Fantasia baetica de De Falla très homogène marquée du sceau d’un musicien authentique. Le jury présidé par Aldo Ciccolini n’aura décidément pas trouvé le pianiste que l’on attend pour prendre la relève de ceux qui ont donné ses lettres de noblesse à ce Concours prestigieux.

Michel Le Naour

Paris, CNR, Salle Gaveau, Salle Olivier Messiaen de Radio France, du 15 au 22 ocotobre 2009

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