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Compte-rendu : L’Amant Jaloux (1778) à l’Opéra Royal de Versailles - Grétry reprend des couleurs
L’événement était impatiemment attendu, premier spectacle de l’Opéra royal de Versailles, enfin rendu, après deux ans de travaux de rénovation, à son charme d’époque fin XVIIIème siècle (la salle fut inaugurée en 1770, soit quatre ans avant la mort de Louis XV). En fait, il s’agit là d’une co-production du Centre de Musique Baroque de Versailles et de l’Opéra Comique (qui l’accueillera du 15 au 21 mars prochain). Dans les décors en toile peinte de Thibaut Welchlin, une œuvre viscéralement française s’y épanouit, qui joue les passeurs entre les aînés de l’Ancien Régime, tels Monsigny et Philidor, et les partitions de Boieldieu, Hérold ou Auber, déjà ancrées dans le Romantisme.
Assurément, l’auditeur d’aujourd’hui se sent ici en phase avec une musique heureuse qui palpite d’une flamme légère (l’opéra-comique est sous-titré « comédie en 3 actes mêlés d’ariettes »). A condition de ne pas y voir, égaré par un excès d’enthousiasme, un Così fan tutte à la française !
Constatons seulement que, presque contemporain du divin Mozart, « Monsieur Grétry » (dixit le Baron Grimm) y est nourri des galanteries de l’Europe des Lumières. Avec d’indéniables sympathies haydniennes au sein d’un orchestre inventif en diable (entre autres, l’ouverture en trois mouvements).
En tout cas, l’exhumation a tenu l’essentiel de ses promesses. Sans doute parce que le chef Jérémie Rhorer (photo), à la tête de son talentueux Cercle de l’Harmonie, ne s’obstine pas dans une impossible confrontation avec le Salzbourgeois, mais y cueille pragmatiquement ce que la musique lui offre, en homme de théâtre éprouvé.
Restent les lieux communs d’un livret (signé Thomas d’Hèle) qui s’enlise dans les stéréotypes du genre « comique bourgeois », avec sa panoplie d’effets prévisibles que ne sert pas toujours au mieux la mise en scène du trop scrupuleux Pierre-Emmanuel Rousseau (autre écueil, les acteurs évoluent trop sagement dans des décors sans grand relief : successivement, une bibliothèque, une chambre à coucher et un pavillon d’époque).
Avare de trouvailles visuelles, le spectacle est heureusement sauvé, outre la palette de couleurs suscitées à l’orchestre par la verve de Jérémie Rhorer, par les mérites d’un plateau parfaitement homogène, à défaut d’individualités marquantes. Détachons-en le baryton-basse Vincent Billier, Lopez bien en voix et crédible, la soprano Magali Léger, très convaincante Léonore (la fille de Lopez), mis à part deux ou trois approximations où son chant flexible est à l’épreuve, et l’Isabelle de l’autre soprano Claire Debono, peut-être trop placide dans l’expression. Cependant que Maryline Fallot s’avère inattaquable dans le rôle de la servante Jacinte (un emploi dit « de caractère ») et que, last but not least, le ténor canadien Frédéric Antoun joint le style aux bonnes manières dans le rôle de Florival, l’officier français épris d’Isabelle. Gageons qu’avec de tels atouts, l’intéressé doit être aussi un mozartien de la plus belle eau.
Roger Tellart
Grétry : L’Amant Jaloux - Opéra royal de Versailles, 15 novembre 2009
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Photo : DR
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