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Les Troqueurs : aux sources de l’opéra-comiqueTrois questions à Jérôme Corréas
Patron de l’Ensemble Les Paladins, Jérôme Corréas délaisse très provisoirement ses partenaires pour aborder Les Troqueurs, opéra bouffon d’Antoine Dauvergne (1713-1797) sur un livret inspiré de La Fontaine, et La Répétition interrompue, opéra comique de Charles-Simon Favart (1710-1792), avec les jeunes membres de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris et les étudiants du département de musique ancienne du CNSMDP. Donné à l’Amphithéâtre Bastille du 27 novembre au 5 décembre, le spectacle est mis en scène Irène Bonnaud et s’inscrit dans la programmation Jeune public de l’Opéra – une première s’agissant d’un projet de l’Atelier lyrique.
Comment présenteriez-vous les ouvrages de Favart et Dauvergne aux spectateurs qui s’apprêtent à découvrir ces partitions rarement données ? Quelle est leur importance dans le cours de la musique française ?
Jérôme Corréas : Je m’intéresse beaucoup à l’opéra-comique et j’aurai également l’occasion de diriger La Fausse Magie de Grétry cette saison. Ce projet Favart-Dauvergne remonte vraiment aux sources du genre. La Répétition interrompue (1751) consiste en une « comédie mêlée d’ariettes », c'est-à-dire plutôt une pièce de théâtre avec des chansons. On se situe dans un contexte de foire avec une représentation d’une pièce comique très sociale dans laquelle s’insèrent des airs empruntés à plein de « tubes » d’alors, que plus personne ne connaît évidemment aujourd’hui ; l’ouvrage nous plonge au milieu de la réalité de l’époque.
En seconde partie, Les Troqueurs offrent quelque chose de déjà beaucoup plus construit ; une histoire plus concentrée, avec quatre personnages et beaucoup d’ensembles. Une ambition plus grande de créer un vrai style, un vrai genre et non de travailler sur du matériel existant s’y fait sentir. Cette aspiration à devenir un genre nouveau fait pour moi l’attrait des Troqueurs. Cette volonté de créer quelque chose de toutes pièces a dû finalement arriver au bon moment à l’époque parce que la grande tradition française commençait à s’essouffler. On avait envie de nouveauté, de simplicité, de légèreté, et de divertissement et c’est pour cela que l’opéra-comique a connu le succès. Je trouve que cela correspond bien à notre époque aussi.
Que vous apporte la collaboration avec des jeunes chanteurs au commencement de leur parcours tels que ceux de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris ?
J. C. : J’avais déjà travaillé avec l’Atelier lyrique et Les Paladins la saison dernière sur un programme Haendel, donc quelque chose de plus classique. J’apprécie le fait de collaborer avec des gens qui sont déjà en carrière, qui commencent à faire des rôles, mais qui sont regroupés dans une sorte de troupe au sein de laquelle pas mal d’expériences demeurent possibles. On dispose de temps, de la possibilité de travailler en profondeur et c’est pour moi très intéressant car on se situe justement là dans un genre qui se prête aux expériences. Avec Irène Bonnaud, la metteur en scène, nous voulions un spectacle total ; nous avons ainsi quatre acrobates de l’Académie Fratellini qui font des numéros dans le pièces originellement dansées. Par ailleurs Jean-Baptiste Malartre, Sociétaire de la Comédie-Française, vient faire un rôle parlé : un exemple extraordinaire, non seulement pour les chanteurs mais pour nous aussi car c’est un homme qui a du métier, qui a l’habitude de défendre des textes. Nous formons une sorte de colonie avec plein de gens différents ; c’est très enrichissant !
Pour conclure, j’anticipe sur la suite de votre saison. Vous allez diriger Le Couronnement de Poppée d’abord pour une dizaine de représentations au Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis du 8 au 20 janvier prochains, puis en tournée en France jusqu’au mois d’avril. Quel est votre rapport avec cet ouvrage de Monteverdi et comment se présente cette production mise en scène par Christophe Rauck ?
J. C. : J’avais depuis très longtemps envie de faire Le Couronnement. C’est l’opéra idéal si l’on veut : le compromis entre une pièce de théâtre et la musique ; un mélange entre une histoire magnifique - terrible plutôt -, un texte extraordinaire et une musique sublime. L’occasion s’est présentée de collaborer avec Christophe Rauck, le directeur du Théâtre Gérard Philippe, qui réalisera là sa première mise en scène d’opéra. Il est passionnant pour moi de travailler avec un metteur en scène de théâtre pour envisager cette œuvre plutôt comme une pièce de théâtre chantée. La vision de Christophe Rauck me permettra d’essayer en tout cas d’abattre des cloisons et d’aller plus loin dans l’approche du « parlé-chanté ».
Propos recueillis par Alain Cochard, le 17 novembre 2009
C. S. Favart : La Répétition interrompue
A. Dauvergne : Les Troqueurs
Amphithéâtre de l’Opéra Bastille
Les 27, 28 et 30 novembre, les 2, 3 et 5 décembre (à 20h, sauf les 27 et le 30 à 14h30)
C. Monteverdi : Le Couronnement de Poppée
Les Paladins, dir. Jérôme Corréas
Théâtre Gérard Philippe de Saint Denis
Du 8 au 20 Janvier 2010
Infos : http://www.theatregerardphilipe.com
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Photo : DR
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