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Favart rend justice à Béatrice et Bénédict
On n’est jamais prophète en son pays. C’est en Allemagne que Les Troyens ont été créés, au Hoftheater de Karlsruhe, c’est d’Allemagne que vient la commande de Béatrice et Bénédict, plus exactement du Casino de Baden Baden qui comptait créer l’œuvre pour l’inauguration de son nouveau théâtre, dirigé il est vrai par un français, Edouard Bénazet, zélateur du compositeur de la Symphonie fantastique depuis de nombreuses années qui plus est.
Enfin pas tout à fait. Bénazet avait d’abord tenté d’intéresser Berlioz à un obscur livret sur la guerre de trente ans (c’est Henri Litolff qui en écopera… il n’en fera pas grand chose), mais deux années plus tard Berlioz lui proposa sa propre adaptation de Beaucoup de bruit pour rien de William Shakespeare, sujet qu’il envisageait depuis plusieurs décennies. L’œuvre remportera un éclatant succès, le plus entièrement heureux qu’ait reçu le compositeur.
Livret bancal – Berlioz évacue l’intrigue principale de l’œuvre, rendant les raison de la psychologie d’Héro peu saisissables – mais musique simplement extraordinaire, allant du bouffon au sublime en un instant, nerveuse, rêveuse, instablement romantique, ironique au dernier degré, voir même acariâtre parfois, au moins qu’on a pu voir l’œuvre entière comme un portrait de Berlioz. On acquiesce dans ce sens, jusque pour ce continuel décor de fête, cet orchestre flamboyant et caracolant, qui soudain donnent la parole à l’une des plus belles pages du compositeur, ce Nocturne hors du temps.
Disons le d’emblée, Béatrice et Bénédict est redoutable en scène. Il lui faut à la fois un directeur d’acteur subtil et un scénographe truculent. Le genre de l’opéra comique lui permet un théâtre supplémentaire, qui, mal exploité, peut être dangereux, voir rédhibitoire, et son orchestre volontiers couleur locale (guitare et tambourin rappellent que l’on est en Sicile) cache parfois trop sous le brillant des trésors d’invention instrumentale.
De cela, comme d’ailleurs du théâtre, gageons que le tandem Dan Jemmett et Emmanuel Krivine se débrouillera. Jolie distribution sur le papier (la Béatrice de Christine Rice, l’Héro d'Ailish Tynan, Elodie Méchain pour Ursule, beau trio de dames, et côté messieurs, le Bénédict d’Allan Clayton, Jérôme Varnier en Don Pedro, le Somarone de Michel Trempont), en fosse les couleurs garanties d’époque de la Chambre Philharmonique (et pour le chœur Les éléments !) ; l’Opéra Comique a mis les petits plats dans les grands.
A ne pas oublier enfin, la série des « Rumeurs » avec, entres autres, un programme « Shakespeare Songs » par Les éléments et Joël Suhubiette (le 3 mars).
Jean-Charles Hoffelé
Berlioz : Béatrice et Bénédict - Paris, Opéra Comique, Salle Favart, les 24, 26 et 28 février puis les 2, 4 et 6 mars 2010
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Photo : DR
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