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« Je suis partisan de découvrir de jeunes voix »Une interview de Marc Clémeur, directeur de l’Opéra National du Rhin

Avec l’Opéra de Paris et son Atelier lyrique, l’Opéra du Rhin est l’une des deux seules maisons d’opéra françaises disposant d’une structure destinée à la formation de jeunes chanteurs : l’Opéra Studio (ex-« Jeunes Voix du Rhin »). La promotion en cours arrivera au terme de ses deux ans de stage à la fin de la saison et dès l’année passée Vincent Monteil, le patron de l’Opéra Studio, s’est soucié de son renouvellement. Les 167 dossiers de présélection reçus (comportant un enregistrement en deux styles et deux langues différentes), venus d’Amérique du Nord (une poussée du Canada se fait sentir), aussi bien que d’Europe ou d’Asie, témoignent de la réputation internationale grandissante de l’Opéra Studio.

38 chanteurs ont finalement été auditionnés parmi lesquels seulement cinq ou six seront retenus, car deux ou trois voix de la précédente promotion passeront deux années supplémentaires à Colmar. Il y a en effet de quoi prendre goût à la participation à l’Opéra Studio : Marc Clémeur, le nouveau directeur de l’Opéra du Rhin, ne manque pas de projets pour de jeunes artistes qui, cette saison, ont été impliqués dans les grandes productions de l’institution (Richard III, Louise, Ariane à Naxos), tandis que deux autres spectacles leur sont spécifiquement dédiés : Aladin et la lampe merveilleuse de Nino Rota et Le Mariage secret de Cimarosa (1). Donné en décembre à Colmar en création française, Aladin vient d’être repris à Mulhouse et le sera à nouveau à Illkirch en mars(2). Autour des quelques soirées tout public, de nombreuses séances pour les enfants se sont greffées pour parvenir à un total de 16 représentations. Près de 7000 spectateurs auront ainsi goûté cette saison à l’éblouissante mise en scène du jeune Belge Waut Koeken.

« Je n’effectue pas de distinction entre le niveau scénique des spectacles de l’Opéra Studio et les autres », affirme Marc Clémeur, pas mécontent de constater que les huit chanteurs de l’Opéra Studio « sont d’un niveau vocal comparable à celui d’une maison d’opéra allemande de taille moyenne. » A l’occasion de la première d’Aladin à Colmar en décembre dernier, concertclassic a interrogé le directeur de l’Opéra du Rhin, au sujet de l’Opéra Studio et des spectacles pour enfants en particulier.

Quels sont vos projets pour l’Opéra Studio ?

Marc Clemeur : On le constate avec toutes les structures comparables à l’Opéra Studio qui existent en Europe : la meilleure école c’est toujours la pratique. On peut faire plein de cours, de masterclasses, ce que nous faisons d’ailleurs ici, avec des gens tels que Lella Cuberli ou Sylvie Valère ou avec les acteurs de la Comédie de l’Est, mais la meilleure école c’est la participation à de grandes productions, avec de grands chefs d’orchestres, de grands metteurs en scène, aux côtés de chanteurs expérimentés. J’aimerais ne plus avoir cette année préparatoire durant les deux ans que les chanteurs passent à l’Opéra Studio et pouvoir les impliquer dans des productions dès leur première année.

Ce qui implique un niveau de recrutement plus élevé que par le passé…

M. C. : Absolument, car il s’agit souvent non pas de petits rôles, mais de rôles moyens (ex. : les comédiens dans Ariane à Naxos). Entre les productions, les périodes creuses laissent de la place pour les cours, mais je pense que la combinaison de ceux-ci et de la pratique est la meilleure formule qui existe.

Prévoyez-vous de monter d’autres opéras pour enfants ?

M. C. : Je souhaite continuer dans cette voie car je trouve cela très important. S’agissant d’Aladin et la lampe merveilleuse, je suis tombé de ma chaise lorsque j’ai appris que nous donnions la création française d’une oeuvre qui a plus quarante ans. C’est incroyable !

L’Opéra Studio a fait dans le passé des productions pour les jeunes. Mais je crois que les adolescents, s’ils sont bien informés, peuvent assister aux grandes productions. Il ne faut pas de choses spécifiques pour eux, mais on a revanche besoin de spectacles pour les enfants. Je n’ai rien contre la musique pop, mais il important de leur montrer qu’il n’existe pas que cette musique. J’assistais cet après-midi à une représentation d’Aladin pour les enfants. Ils avaient été très bien préparés par leurs instituteurs et institutrices et ont merveilleusement réagi !

Avez-vous déjà déterminé l’œuvre pour enfants que vous donnerez la saison prochaine ?

M. C. : Je peux vous dévoiler que ce sera une adaptation d’un ouvrage peu connu de Cherubini : Ali Baba et les quarante voleurs. Il s’agit d’un grand opéra, avec chœurs, ballet, etc., et nous en ferons une réduction, mais les quarante voleurs seront chantés par quarante enfants de notre maîtrise.

Après Waut Koeken pour Aladin, quelle sera votre politique s’agissant du choix des metteurs en scène qui travaillent pour l’Opéra Studio ?

M. C. : Waut Koeken ne va pas travailler qu’à l’Opéra Studio, l’année prochaine je confie une grande production à ce jeune metteur en scène que j’avais découvert à Anvers. Je fais par ailleurs appel cette saison à autre jeune artiste de talent, français celui-là, Christophe Gayral, pour la mise en scène du prochain spectacle de l’Opéra Studio : Le Mariage secret. Je considère que les jeunes chanteurs de l’Opéra Studio ont droit d’avoir de très bons metteurs en scène.

A propose de jeunes chanteurs et des grandes productions de l’Opéra du Rhin ; si l’on prend l’exemple de Cosi fan tutte, j’ai réuni un cast où presque tout le monde, hormis Don Alfonso évidemment, a autour de trente ans, parfois moins. Je suis partisan de découvrir de jeunes voix, le risque est évidemment beaucoup plus grand et l’on peut aussi rater. Il me paraît toutefois plus important de donner des chances à de jeunes chanteurs et à de jeunes metteurs en scène que de dire : je fais Otello avec Monsieur Cura.

Propos recueillis par Alain Cochard, le 17 décembre 2009

(1) Cimarosa : Le Mariage secret, du 24 avril au 30 mai 2010 (à Illkirch, Mulhouse et Colmar)

(2) Rota : Aladin et la lampe merveilleuse, à Illikirch (L’Illiade), le 10 mars 2010 (à 14h 40 et à 20h 30)
Infos : www.operanationaldurhin.eu

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Photo : DR
 

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