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Compte-rendu : Rodage à Tourcoing avant Paris - Jean-Claude Malgoire dirige Cosi fan tutte
L’affaire est entendue, et si vous n’avez pas compris, tant pis pour vous ! Le lieu géométrique, ou plutôt le… pieu géométrique du décor unique conçu par Pierre Constant pour les trois ouvrages qui constituent la Trilogie Mozart-Da Ponte, c’est le lit. Et cela des Noces de Figaro qui l’ouvrent à Cosi fan tutte qui l’achève. Mozart n’est-il pas, il est vrai, le Fragonard de la musique ? Quant à son génial librettiste, c’est plus un abbé d’alcôve que de cour… N’a-t-il pas imposé d’ailleurs sa maîtresse pour créer le rôle de Fiordiligi dans Cosi ? Et tout ce joli monde phosphorait gaîment à la terrasse d’un café de Prague en 1787 sur le Don Giovanni d’un certain Gazzaniga, créé quatre mois plus tôt, à des fins de pillage éhonté, pour en tirer l’immortel chef-d’œuvre que l’on sait en compagnie du sulfureux Casanova.
Toute une époque, tout un art de vivre qui appelait l’image du lit : on avait alors l’esprit et la main lestes. Si le prologue où se noue le pari stupide de Cosi se passe dans un hammam très méditerranéen, le lit revient dès la scène suivante dans la chambre des deux sœurs et ne bougera plus guère au cours des deux actes, la conquête de ce fortin libertin symbolisant celle des deux filles par leurs militaires déguisés. Avec Pierre Constant, on n’a pas besoin de surtitres pour saisir, comme le dit explicitement le livret, « de quel côté le diable a la queue ». Du reste, le diable philosophe, alias Don Alfonso, traite ses affaires galantes avec Despina sur la courtepointe des donzelles…
Tout comme Les Noces le mois dernier, cette reprise en vue de celle de toute la trilogie Mozart-Da Ponte en mai et juin au Théâtre des Champs-Elysées constitue un modèle de direction d’acteurs : les moindres intentions de la partition, y trouvent leur juste traduction. Ce qu’il faut saluer surtout, c’est la lecture délibérément musicale du metteur en scène : l’action de Da Ponte n’est qu’un schéma succinct, une épure, une toile d’araignée où s’engluent nos quatre malheureuses marionnettes aux mains perverses des deux libertins. La chair et la sensualité ne viendront qu’avec les notes de Mozart.
Celles-ci s’incarnent à merveille dans le jeu délié et déluré des bois fruités de La Grande Ecurie et La Chambre du Roy. Jean Claude Malgoire sait faire de la clarinette, du hautbois ou du basson les parfaits complices des solistes : leurs couleurs sont si savoureuses qu’on en oublie l’extinction de voix répétée du… cor. Les voix sont saines, claires et juvéniles à souhait et pour une fois Don Alfonso (Nicolas Rivenq) n’est pas un baryton chevrotant et il sait s’imposer à cette « belle jeunesse » dont parlait Don Juan du geste et du caquet. Les militaires sont parfaits : le Ferrando du ténor américain Robert Getchell comme le Guglielmo du baryton catalan Joan Martin Royo, le Figaro des Noces.
Côté dames, les deux sœurs sont un peu trop semblables de timbre et de cheveux. L’Anglaise Rachel Nicholls campe une Fiordiligi de grande allure malgré des notes de passage mal placées. La mezzo suédoise Lina Markeby a troqué sans problème Chérubin pour Dorabella. Mais la triomphatrice de la soirée, c’est la Despina de la soprano belge Anne-Catherine Gillet jamais prise à court de gags ou de notes, dont on devine à sa façon de mener les hommes de tous âges par le bout qu’il faut qu’elle ne demeurera pas longtemps dans la domesticité. Cosi n’a-t-il pas été écrit en 1789 et créé l’année suivante ? Tout un programme.
Jacques Doucelin
Tourcoing : 28 mars 2010
Dernière représentation : 30 mars, 20h.
www.atelierlyriquedetourcoing.fr
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, le 2, 3 et 5 juin 2010
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Photo : DR
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