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Compte-rendu : Travail d’orfèvre - András Schiff joue les six Partitas de Bach
Depuis plus de trente ans, András Schiff arpente le répertoire de la musique pour clavier de Jean-Sébastien Bach qui représente pour lui l’alpha et l’oméga de la création. Avec le temps, remettant sans cesse sur le métier son travail d’interprète (il vient de prendre une année sabbatique), le pianiste hongrois a acquis une familiarité avec l’œuvre du Cantor apprise dès l’adolescence à Londres auprès du claveciniste George Malcolm. L’entreprise colossale consistant à jouer les six Partitas en un seul concert tient de la gageure. A l’évidence, ce soliste aguerri à l’audace polyphonique d’une écriture non dénuée de sens dramatique et de sentiment poétique, se révèle désormais capable d’extraire de son piano toute une palette de couleurs qui faisaient défaut à ses enregistrements des années 80-90 (Decca).
Sans jamais faire usage de la pédale, y compris dans la dense et contrapuntique Partita n°6 en mi mineur, Schiff propose un voyage au long cours où l’imagination le dispute à une réalisation d’une perfection presque inhumaine. Le corset intimidant des Partitas devient, sous ses doigts, matière à une élévation de la pensée que la virtuosité indispensable ne fait que servir. La dimension d’improvisation au détour d’une sarabande, d’un scherzo ou d’un passepied, comme l’intelligence d’approche et l’évidence de la démarche dans les fugues les plus arachnéennes, offrent un exemple exceptionnel d’appropriation de ces oeuvres. Le public clairsemé reste sous le choc d’un travail d’orfèvre où l’architecte se fait également peintre et sculpteur.
Michel Le Naour
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 10 avril 2010
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Photo : DR
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