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Compte-rendu : Philip Pickett et ses bergers d’Arcadie - Acis and Galatea par le New London Consort
Relevant de la tradition du masque illustrée par Blow et surtout par Purcell, Acis and Galatea de Haendel est la parfaite illustration de l’étonnante faculté du compositeur à réemployer ses œuvres passées (en l’occurrence une sérénade italienne à 3 voix, donnée en 1708 sur le même sujet) pour les transfigurer.
Ecrit en 1718 pour son protecteur et mécène le comte de Carnavon, qui deviendra le fastueux duc de Chandos, il s’agit d’un petit chef-d’œuvre de grâce et de poésie, auquel n’est pas étranger la qualité du livret de John Gay (l’auteur du célèbre Beggar’s Opera qui parodie l’opéra seria), écrit en collaboration avec Alexander Pope. Une musique délectable y chante entre tendresse et affliction, reflet des modes du temps au carrefour de la cantate et de l’opéra, voire de l’oratorio anglais en train de naître…
Précisément, l’ouvrage vient d’être joliment revisité en version de concert à la Cité de la musique par Philip Pickett et ses baroqueux du New London Consort. En vieux complice de l’imagerie haendélienne, Pickett raconte avec un rare bonheur de style l’histoire de la nymphe Galatée et du berger Acis, aux amours tragiquement contrariées par le géant Polyphème qui, dixit Ovide dans ses Métamorphoses, écrasa Acis sous un rocher, fou de jalousie et de rage parce que repoussé par Galatée (mais le dénouement est en quelque sorte pacifié par le geste de la nymphe faisant revivre éternellement son amant à travers le doux murmure d’une source).
En chemin, d’émouvants souvenirs discographiques nous reviennent en mémoire, tels Gardiner et Neville Marriner, pour ne citer que ces noms-là. Mais Pickett a sur eux l’avantage d’être ici un exemple live, jouant en maître du pouvoir des voix comme d’un instrumentarium hautement performant. Et cela, dès le premier air de Galatée, si allusif, si descriptif dans ses figures et dans ses mètres et où la soprano Joanne Lunn est confondante de vocalité charmeuse, de feeling. A ses côtés, le ténor Ed Lyon compose un Acis vrillant dans sa sobriété à l’heure du drame, cependant que, seul bémol dans une distribution très homogène (impeccables Joseph Cornwell et Andrew King dans les rôles secondaires de Damon et Coridon), Polyphème tourne à la caricature, conséquence de la dérive monomaniaque vers lequel le baryton-basse Michael George tire le personnage.
Reste – ce qui est l’essentiel - le juste ton dramatique d’une relecture où les choix rythmiques du chef s’avèrent inattaquables ; avec la connivence d’un mini-chœur habité aux moments cruciaux (le chant funèbre des nymphes et bergers qui, à la mort d’Acis, font écho à la douleur de Galatée). Preuve que la réussite n’est pas forcément tributaire de gros moyens dans le réveil du rêve arcadien chez le Saxon.
Roger Tellart
Paris, Cité de la musique, le 4 mai 2010
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Photo : DR
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