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Compte-rendu : Daniele Gatti dirige le Requiem de Verdi - Théâtralité assumée


Cela aurait pu être un Requiem de plus, mais ce monument a beau être connu, joué et enregistré depuis toujours, il n'en finit pas de nous surprendre. Sans star, mais parfaitement équilibré et ce, malgré le remplacement de Stuart Neill par Francesco Meli, le plateau comprend des interprètes aux individualités vocales tranchées, traitées avec une grande habileté par Daniele Gatti, décidément passionnant.

Sa lecture très personnelle de l'oeuvre, le rythme fragmenté qu'il impose avec ces pauses parfois inattendues entre les numéros, ces silences appuyés comme autant de suspensions, ont sans doute perturbé les adeptes d'une direction plus linéaire. La matière musicale obtenue cependant, est si riche, si expressive jusque dans sa minéralité que le discours, construit comme un drame entrecoupé de tensions et d'accalmies, se justifie à tout moment, maîtrisé par un musicien sûr de sa démonstration. Pris dans les rets de cette direction très réfléchie, sans jamais paraître didactique, à la théâtralité assumée, on goûte au plaisir d'écouter un Orchestre National d'une intégrité musicale absolue (cordes rutilantes, bois caressants, cuivres et vents vigoureux et présents), répondant aux moindres sollicitations du maestro, qui souligne chaque détail comme s'il découvrait l'oeuvre.

Le choeur de Radio France superbement préparé par Matthias Brauer donne le meilleur de lui-même, masse en fusion parfaitement intégrée à ce vivier orchestral à la beauté éruptive. Les exigences de Daniele Gatti se retrouvent également chez les solistes qui investissent leurs textes comme rarement et l'interprètent avec une fiévreuse intensité. Le ténor Francesco Meli abuse ça et là de sa puissance, mais son "Igemisco" à belle allure, la basse Georg Zeppenfeld est tout simplement idéale d'élégance et d'autorité, la voix d'Ekaterina Gubanova montrant quelques limites dans l'ambitus, mais enflammant chacune de ses paroles. Krassimira Stoyanova, légèrement indisposée, possède l'exact profil vocal du soprano conçu pour porter cette partition au firmament : souplesse, grain voluptueux à la fois céleste et pulpeux, souffle et piani de chair. Vivement sa Luisa Miller en mars à la Bastille !

François Lesueur

Paris, Châtelet, 22 octobre 2010

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Photo : DR

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