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Compte-rendu : Danse / Les Trois Mousquetaires au Capitole de Toulouse - Accent tonique
Une vraie curiosité que ce ballet trentenaire, inconnu en France. Il a fallu toute la mémoire et l’énergie de Nanette Glushak, directrice du ballet de Capitole pendant encore une saison et demie, pour ranimer cette flamme du ballet narratif comme on le pratiquait du temps du marquis de Cuevas, et que peu osent encore utiliser. Encore que la vague des chorégraphes néoclassiques issus de l’Opéra de Paris y revienne peu à peu, de José Martinez et ses Enfants du Paradis à Kader Belarbi, avec Hurlevent, et une autre grande fresque qu’il présentera la saison prochaine au Capitole, où il est à ce jour chorégraphe résident. Il en sera à la rentrée 2012 le directeur du ballet, remplaçant l’infatigable Glushak, laquelle aura bouclé là dix-sept années d’un engagement si total qu’il a fait du Ballet du Capitole la meilleure troupe classique de France, l’Opéra de Paris excepté bien évidemment. Ce qui ne va pas sans difficultés, le classique étant comme l’on sait, fortement poussé dehors.
Ces Trois Mousquetaires comblent un manque dans l’hexagone : d’autant qu’en terre occitane, ils sont chez eux, même s’il ne faut voir que de grandes lignes d’estoc et de taille dans la façon dont André Prokovsky, le chorégraphe, s’est saisi du chef d’œuvre de Dumas pour en faire une sorte de Don Quichonnade bondissante, propre à mettre en joie par ses facéties, son entrain, et ses morceaux de bravoure, et portée principalement par des musiques de ballet de Verdi, disparues des représentations contemporaines, et qui, il faut l’avouer, prennent ici des allures de Minkus !
De ce chorégraphe mort l’an dernier à soixante et onze ans et dont Nanette Glushak fait ainsi revivre la mémoire, on ne sait plus grand-chose dans nos programmations, ses œuvres étant à la fois trop récentes et trop anciennes. On rappellera donc qu’il fut, malgré son nom, un danseur totalement français, et fit une grande carrière internationale, passant de Roland Petit au New York City Ballet et au Grand Ballet du Marquis de Cuevas, avant de se consacrer à la chorégraphie. Quant à son œuvre, axée sur le ballet d’action, elle a connu une belle longévité dans les pays anglo-saxons, alors que la France l’ignorait. Notamment avec les Trois Mousquetaires, créés en 1980 par le Ballet australien et repris fréquemment dans le monde, notamment par le Ballet Royal des Flandres.
Dire qu’on éprouve quelque émotion devant cette galopade frénétique entrecoupée de pas de deux d’une superbe virtuosité et d’une qualité scénique incontestable serait mentir. Mais on suit avec jubilation le déroulement de l’histoire, simplifiée pour ne pas noyer le sujet dans des détails trop complexes- ainsi c’est Milady qui tue Buckingham, au lieu d’armer le bras du fanatique Felton, auteur de l’assassinat - jusqu’à son happy end couronnant les amours de d’Artagnan et de Constance, laquelle finira empoisonnée chez Dumas ! D’autant que les interprètes sont à la mesure des difficultés des rôles, considérables : de la brillante Milady- délicieusement costumée- de la brésilienne Juliana Bastos, à la grâce fine de l’espagnole Maria Gutierrez en Constance Bonacieux, de l’élégance conjuguée du couple italien Paola Pagano –Valerio Mangianti en Anne d’Autriche et Buckingham, aux fracassants « quatre » mousquetaires, venus des horizons les plus hétéroclites, Japon, Russie, Arménie et Kazakhstan.
On retiendra notamment le d’Artagnan de Kazbek Akhmedyarov, ferraillant comme un chien fou, et enchaînant des sauts ahurissants, très façon Bolchoï même s’il a été formé à Alma-Ata. Ce quatuor endiablé est une variante réjouissante du fameux « tous pour un, un pour tous », au cœur de cette fresque bon enfant et enlevée, avec un rien de grotesque trop appuyé pour les silhouettes de Richelieu et Louis XIII, lequel rappelle le Gamache de Don Quichotte. Le public du Capitole n’a pas semblé triste en en sortant !
Jacqueline Thuilleux
Les Trois Mousquetaires (ballet d’A. Prokovsky) – Toulouse, Théâtre du Capitole, 18 février 2011.
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Photo : David Herrero
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