Ce devait être une soirée entièrement vouée à la musique française. Les événements du Japon en décidèrent autrement et la direction de Radio France choisit de l’ouvrir par une méditation avec l’Aria de 3e Suite de Bach suivie d’une minute de silence. La lumière revenue, l’ouverture de Gwendoline d’Emmanuel Chabrier crépita de tous ses feux… mais notre Auvergnat est-il si français que le dit la légende dorée de notre musique nationale ? Il avait pour le moins l’oreille à l’écoute de l’étranger et le fait qu’il obtint ses premiers vrais succès outre-Rhin devrait nous donner à réfléchir. A la tête d’un Orchestre National des grands soirs, le chef nippon Yutaka Sado perce en tout cas les secrets de cette réjouissante alchimie comme bien peu.

Vient ensuite le… Brahms français, Camille Saint-Saëns, avec son ultime Concerto pour piano dit «L’Egyptien » portant le souvenir d’un séjour à Louxor. Lui aussi, sous le fouet de la virtuosité la plus débridée, dose et mélange les contraires. Le soliste Jean-Yves Thibaudet paraît d’abord intimidé par l’allegro animato initial demeurant sur son quant à soi. Puis, il entre joliment dans le jeu de l’andante avant d’empoigner le Molto allegro final avec une fougue à renverser tous les obstacles, qui fait honneur à celui qui fut son maître au Conservatoire de Paris Aldo Ciccolini, autre vrai grand défenseur de Saint-Saëns.

Encore de plus en plus vite, les dix minutes de The Shining One de Guillaume Connesson (né en 1970) dédié à Thibaudet en semblent le prolongement naturel. Après l’entracte, Yutaka Sado se lance avec un enthousiasme communicatif dans les deux Suites de Bacchus et Ariane d’Albert Roussel. Il s’y révèle le digne successeur de ses deux modèles, Leonard Bernstein et Seiji Ozawa, deux vrais hérauts de la musique française.

Jacques Doucelin

Paris, Théâtre des Champs Elysées, 24 mars 2011. (Concert retransmis en direct sur France Musique)

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Photo : DR