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Salomé à l’Opéra Bastille - Un chef pour Strauss - Compte-rendu
Les deux méchantes bonbonnes de gaz placées à droite de la fontaine préviennent : on n’est pas dans l’antique. Le palais-entrepôt signe la couleur locale à force de claustra et de moucharabiehs et indique qu’Hérode est devenu négociant. Bon, pourquoi pas. Tout le petit personnel masculin se bande les yeux à l’entrée de Salomé : horreur de la tentation, n’est pas Saint-Jean Baptiste qui veut. L’opéra passe et on lui reste indifférent. D’ailleurs on avait déjà vu cette production, et on l’avait oubliée. Elle ne marquera pas plus la mémoire une seconde fois. D’autant qu’André Engel réserve sa direction d’acteur à la Danse des Sept voiles, commencée en bouderie, poursuivie en danse de salon, terminée en petite crise d’hystérie. C’est peu, surtout si l’on songe à la fantastique actrice que peut être Angela Denoke. Mais une actrice à Bastille, se voit-elle ? Et pour la Salomé de Denoke, s’entend-t-elle ?
La soprano le voudrait bien, qui force sa voix malgré tout le soin que l’orchestre met à ne pas la couvrir. Mais las, si elle passe dans la salle, elle y laisse sa justesse. Eprouvée par ses récentes représentations de L’Affaire Makropoulos à Salzbourg, cette Salomé vient trop tard et dans un trop vaste vaisseau. Alors se consoler avec qui ? Pas avec le Jochanaan constamment colérique et jamais prophétique de Juha Uusitalo, mais plutôt avec l’Hérode parfaitement chanté de Stig Andersen, ou l’Hérodiade grand teint de Doris Soffel, avec le beau et tendre Narraboth de Stanislas de Barbeyrac, ténor décidément à suivre.
En fait on avait vite délaissé la scène pour la fosse : l’œil froid de Pinchas Steinberg, son geste précis et acerbe, hérité de son père (1), disaient à eux seuls le drame. On aura beau jeu de lui reprocher un orchestre peu évocateur (cette Afrique que Giuseppe Sinopoli évoquait n’y apparaît guère), tout le génie de Strauss y éclate pourtant sans jamais couvrir le plateau. Art souverain, qui en Salomé nous évoque rien moins que celui de Fritz Reiner.
Jean-Charles Hoffelé
1) Pinchas Steinberg est le fils de William Steinberg (1899-1978), co-fondateur avec Bronislaw Hubermann de l’Orchestre Symphonique de Palestine qui deviendra après guerre l’Orchestre Philharmonique d’Israël. Grande figure de la tradition germanique, il effectua la deuxième partie de sa carrière aux Etats-Unis, dirigeant le NBC Symphony Orchestra aux côtés de Toscanini et de Rodzinski. Ses enregistrements avec l’Orchestre Symphonique de Pittsburgh viennent de reparaître, majoritairement réunis et publiés par EMI dans sa série Icon (Un coffret de 20 cd réf. 509990264862). Comparer l’art du père avec celui du fils s’avère particulièrement instructif.
Richard Strauss : Salomé – Paris - Opéra Bastille, le 8 septembre, prochaines représentations les 14, 17, 20, 23, 26 et 30 septembre 2011
www.operadeparis.fr
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Photo : Opéra de Paris / CH. Leiber
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