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Nathalia Romanenko au Festival Piano aux Jacobins - Un piano, des couleurs - Compte-rendu
Nés il y a onze ans maintenant les « Tableaux-Concerts » que Piano aux Jacobins organise au Musée d’art moderne Les Abattoirs sont définitivement entrés dans les habitudes du festival toulousain. Le concert événement donné par Bertrand Chamayou l’an dernier à l’occasion du 10ème anniversaire de leur lancement consacrait - à l’échelle du musée tout entier - une formule consistant pour l’interprète à concevoir un programme en fonction d’une toile et à la mettre en dialogue avec la musique le temps d’un récital en une seule partie.
Quatre pianistes se sont prêtés à l’exercice cette année : après Ieva Jokubaviciute et David Greilsammer et avant Tamara Stefanovitch (ce lundi 26 à 20h), c’est Nathalia Romanenko (photo) qui répondait à l’invitation pour un dialogue avec « Osceola », une toile (de 1957) de l’Américain Paul Jenkins (né en 1923) dont l’abstraction pêchue, le dynamisme chromatique correspondent d’abord au look et au tempérament de la jeune pianiste ukrainienne. D’aucuns reprochent au classique sont caractère trop guindé ? Ils ne risquent pas en tout cas de le faire à une musicienne qui entre en scène avec une extravagante coiffure que ne renierait sûrement pas Lady Gaga. Et s’il lui plait ; seuls importent le piano et la musique et sur ce plan Nathalia Romanenko se montre en plein possession de son sujet.
Prégnant mais jamais déliquescent, le post-romantisme (très marqué par Scriabine) de la Sonate n°1 de Kabalevsky dévoile un visage méconnu du célèbre auteur de pièces enfantines. La riche palette sonore de Nathalia Romanenko y fait merveille, en particulier dans l’Andante semplice, d’une poésie irrésistiblement tendre et rêveuse. Mais la virtuosité et la capacité de l’interprète à clarifier les plans sonores tout en gardant une belle rondeur de toucher ne séduisent pas moins, chez Kabalevsky comme dans la vaste Sonate n°1 de Schnittke. Un dédale en quatre mouvements que la pianiste explore avec liberté, jubilation sonore et une belle cohérence d’ensemble - jamais déroutée par la « technique des styles multiples » propre au Russe. Pas un temps mort dans l’approche d’une partition qui peut pourtant vite virer à l’ennui et à l’aridité avec des interprètes moins engagés.
Après ce copieux plat de résistance, la Valse folle de Massenet, toute de chic et d’humour, apporte une respiration bienvenue, avant que Prologue et La Course, tirés du ballet Anna Karenina de Rodion Chtchedrine et transcrits par M. Pletnev, ne concluent avec une poésie et un feu diablement russes !
La passion de la couleur de Nathalia Romanenko aura bientôt une nouvelle occasion de s’exprimer dans un cadre hors normes lors de la Fête des lumières à Lyon (du 8 au 11 déc.) où la pianiste collaborera avec l’éclairagiste Jacques Rouveyrollis. Quant à Piano aux Jacobins, il ne prend fin que le 28 septembre et il est encore temps d’aller écouter le jazzman Yaron Herman (27/09) et le Menahem Pressler (28/09), vétéran que le festival a chargé de conclure en beauté une 32e édition exceptionnellement ouverte à la jeune génération.
Alain Cochard
Toulouse, Musée Les Abattoirs – 19 septembre 2011
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Photo : JC. Meauxsoone
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